La procédure de congé pour vente : l’article 15 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 modifiée

La suspension des expulsions des locataires de bonne foi dans les habitations à loyer modéré (H.L.M.) annoncée le 13 mai 2004 par le Gouvernement concerne exclusivement les 1 500 expulsions menées chaque année à leur terme dans le parc social, alors que 6 000 sont exécutées dans le privé pour 111 000 demandes déposées en 2002 auprès des tribunaux. Le député Joël Giraud regrette qu'une importante proportion de ces 6 000 expulsions dans le parc privé soit la conséquence de congés pour vente. Ces expulsions touchent des locataires auxquels aucun défaut de paiement n'est reproché, de parfaite bonne foi, souvent fragiles mais qui ne peuvent tout simplement pas devenir propriétaires. La procédure de congé pour vente est instrumentalisée par les fonds d'investissement, notamment américains, qui ont acquis par exemple par blocs d'immeubles près de la moitié des surfaces disponibles à Paris durant les six dernières années dans le but de les revendre par lots. De fait, les demandes d'expulsion dont ces fonds se prévalent, sont uniquement motivées par la spéculation, afin de vendre au plus vite des logements acquis occupés et dont l'habitant a été expulsé par coercition. Ces congés pour un motif de vente sont particulièrement choquants et abusifs car le bailleur est en ces cas une personne morale possédant un stock important de logements loués, qui dispose de ce fait aisément de la possibilité de vendre à l'occasion de départs naturels issus de son stock, ou de gérer une valorisation prenant en compte des cessions de logements occupés pour un prix modestement inférieur. En regard, le congé pour vente est particulièrement lourd de conséquences humaines. Il éradique massivement et durablement une mixité sociale préexistante en dehors du logement social. Le bilan de ses effets est un désastre. C'est aujourd'hui un outil privilégié de spéculateurs qui mettent à la rue des locataires respectueux de tous leurs engagements, afin de contenter à ce prix effrayant leur appétit comptable, de surcroît de manière marginale. Un statu quo serait dramatique. Cohérence, efficacité et saine appréhension des enjeux facteurs de la cohésion sociale conduiraient a minima à réserver la procédure de congé au motif de vente aux seuls bailleurs personnes physiques se dégageant d'un investissement personnel (le plus souvent unique). Une telle disposition limiterait la spéculation (en particulier de source internationale) et apporterait une détente aux prix immobiliers sans modifier en rien les données de fond du marché. Alors que se loger est une nécessité vitale, Joël Giraud demande au secrétaire d'Etat au logement quelles mesures effectives seront mises en oeuvre concernant le congé pour vente , afin d'éviter les nombreuses mises à la rue, au profit de spéculateurs souvent internationaux, de locataires payant un loyer sans retard.

En vertu de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation, la vente d'un immeuble par lots est soumise à des règles qui réservent à tout locataire un droit de préemption sur le logement qu'il occupe, dès lors que ce logement constitue un des lots mis en vente et quelle que soit, par ailleurs, l'intention du propriétaire de vendre ce lot libre ou occupé. Ce droit de préemption peut être exercé pendant deux mois à compter de la réception de l'offre de vente et cette offre peut intervenir à tout moment au cours du bail. Le locataire qui se porte acquéreur, doit réaliser la vente dans un délai maximal de quatre mois à compter de l'acceptation de l'offre ; celui qui ne se porte pas acquéreur n'est pas pour autant déchu de son titre d'occupation, la location se poursuivant au minimum, dans tous les cas, jusqu'à la fin du bail. En vertu de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, seule, en effet, la délivrance d'un congé, six mois au moins avant l'échéance du bail, est susceptible de mettre fin au contrat de location. Ce congé ouvre aussi au locataire un droit de préemption ; en outre, sa validité est subordonnée à la condition qu'une offre de relogement soit faite au locataire lorsque celui-ci est âgé de plus de soixante-dix ans et ne dispose pas de ressources supérieures à une fois et demie le S.M.I.C. (salaire minimum interprofessionnel de croissance). Il s'agit là de dispositions d'ordre public qui s'appliquent aussi bien en cas de ventes par lots qu'en cas de vente d'un seul logement. Cet ensemble de règles s'inscrit dans le principe d'équilibre sur lequel reposent aujourd'hui les rapports locatifs ; il garantit à chaque locataire, lors de toute opération de vente, un droit de priorité pour acheter le logement qu'il occupe, et il assure une protection renforcée des locataires âgés les plus modestes, tout en respectant le droit de chaque propriétaire à disposer librement de son bien. Il est apparu cependant que, dans le cadre d'opérations de division d'immeubles en vue de leur vente par appartements, réalisées par des bailleurs institutionnels ou des sociétés commerciales, ce dispositif pouvait être complété en vue, notamment, d'améliorer l'information des locataires et d'accroître la protection des plus fragiles d'entre eux. Le ministre délégué au logement et à ville avait demandé à la Commission nationale de concertation de trouver un accord lequel a été signé par la C.L.C.V. et l'A.F.O.C. représentant les locataires et par l'ensemble des bailleurs, la F.S.I.F., F.F.S.A., Icade Patrimoine, la Fédération des S.E.M., l'A.P.S., le 18 mars dernier. Les dispositions de l'accord concrétisent une amélioration de la protection des locataires fragiles. En effet, les locataires de plus de 70 ans et les locataires handicapés ont droit à un renouvellement automatique de leur bail. Les locataires dont les ressources sont inférieures aux plafonds de ressources du P.L.I. (prêt locatif intermédiaire), soit 6 300 € par mois pour un couple sans enfant, doivent recevoir une proposition de relogement dans des conditions précisées par l'accord. Des délais pour éviter les inconvénients d'un départ rapide si le locataire doit quitter son logement, ont été posés. Le bail est prolongé automatiquement jusqu'à la fin de l'année scolaire pour les locataires qui ont des enfants à charge scolarisés et, dans tous les cas, une prolongation automatique du bail en fonction de l'ancienneté du locataire à partir de six ans de bail, à raison d'un mois par année d'ancienneté, dans la limite de trente mois. Le non-respect de ces dispositions par le bailleur entraîne la nullité du congé. L'accord prévoit également une amélioration des procédures pour l'information donnée par le bailleur vendeur aux locataires, avec des exigences d'information écrite, d'affichage dans les immeubles, d'information des associations de locataires, d'information sur le fonctionnement futur de la copropriété. Cet accord va être publié au Journal officiel puis après un délai d'un mois, un décret le rendra obligatoire pour toutes personnes morales quand elles vendent par lots, sauf si une majorité d'associations de locataires exprime son opposition à l'extension de l'accord par ce décret. Par ailleurs, le ministre délégué au logement et à la ville souhaite proposer dans la future loi « Habitat pour tous » des dispositions pour lutter contre la spéculation et sanctionner ceux qui ne respectent pas leurs engagements et leurs obligations.

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