La part du revenu que les ménages consacrent à leur logement est un indicateur souvent utilisé pour mesurer l’effort que les ménages consentent pour se loger. Cet effort est-il plus important en France ou en Allemagne ?
Le taux d’effort : quelle bonne mesure ?
La mesure du poids du logement dans le revenu des ménages s’appuie traditionnellement sur le taux d’effort, c’est-à-dire à la part des dépenses liées à l’habitation principale dans le revenu disponible.
Deux méthodes de calcul de ce taux d’effort sont envisagées : l’une macroéconomique, l’autre microéconomique.
Le taux micro est la moyenne des taux des ménages. Il considère les dépenses du point de vue monétaire et retient l’ensemble des paiements réguliers liés au logement. Ces paiements regroupent les dépenses de consommation (loyers, charges liées au logement et frais d’entretien), ainsi que les intérêts d’emprunt (pour les propriétaires accédants). Dans certaines définitions du taux micro (celle de l’INSEE par exemple), les remboursements de capital sont également inclus.
Le taux macro est issu de la comptabilité nationale. Celle-ci opère une distinction entre la fonction de consommation finale qui constitue une utilisation du revenu disponible et la fonction d’investissement financée par l’épargne. Le taux d’effort est calculé en rapportant les seules dépenses de consommation au revenu disponible brut. Par exemple, pour les propriétaires occupants, qu’ils soient accédants ou non-accédants, la comptabilité nationale impute un loyer fictif correspondant au loyer qu’ils paieraient s’ils étaient locataires de leur logement. C’est leur consommation de service de logement. En contrepartie, leur revenu est augmenté du même montant, de sorte que leur épargne n’est pas modifiée.
Le taux micro est la moyenne des taux d’effort des ménages. Le taux macro est le rapport entre la somme des dépenses en logement d’une population et la somme des revenus disponibles de cette même population.
Entre 2005 et 2012, les taux macro sont très comparables entre les deux pays, égaux à 20 % environ. En revanche, pour la même période, la médiane et la moyenne des taux d’effort micro sont toutes deux plus importantes en Allemagne qu’en France, indiquant un poids plus important de la dépense en logement dans le revenu.
Les raisons des écarts constatés entre la France et l’Allemagne
Il existe un doute sur la comparabilité des revenus entre la France et l’Allemagne. En effet, à partir de 2008, les revenus disponibles des ménages français ne sont plus déclaratifs mais issus de l’appariement des données d’enquête avec les fichiers fiscaux. Pour cette année-là, les revenus disponibles des ménages allemands sont plus faibles (d’en moyenne 10 %) que les revenus disponibles des ménages français. Les distributions des revenus en France et en Allemagne en 2006, soit une année où tous les revenus étaient déclaratifs, sont plus proches. Il semblerait donc que les revenus déclarés soient systématiquement inférieurs aux revenus issus des données fiscales.
Les raisons d’un taux d’effort plus élevé en Allemagne
Les statuts d’occupation. Le taux d’effort micro en logement dépend fortement du statut d’occupation. En effet, un propriétaire non-accédant, qui n’a plus de charge d’emprunt dans ses coûts, bénéficie donc en général d’un faible taux d’effort. En 2012, environ 64 % de propriétaires sont recensés en France, contre 53 % en Allemagne.
En outre, la France compte également plus de locataires du parc social : 14 %, contre 5 % en Allemagne en 2012. Cette catégorie bénéficie également d’un coût du logement réduit par rapport aux locataires du secteur libre puisque leur loyer n’est pas un loyer de marché mais un loyer « aidé ». Ce chiffre est néanmoins à tempérer car une partie des locataires du secteur dit « libre » en Allemagne bénéficie d’une forme d’encadrement des loyers ou de loyers plus modérés.
La taille des logements. Les logements allemands sont en moyenne plus grands que les logements français (107 m², contre 98 m²), et ce pour tous les statuts d’occupation.
Les dépenses énergétiques. La charge énergétique représente 5,66 % du revenu net pour les ménages allemands et 5,02 % pour les ménages français. La différence semble en revanche très semblable entre statuts d’occupation.
La structure démographique. La composition des ménages diffère sensiblement entre la France et l’Allemagne. La proportion de ménages composés d’une seule personne est plus importante en Allemagne (40 %) qu’en France (34 %).
Les inégalités. En Allemagne comme en France, plus le revenu augmente, moins le taux d’effort est important. Mais la distribution des taux d’effort est encore plus inégalitaire en Allemagne qu’en France. Les moyennes des taux d’effort pour les déciles de revenu supérieurs diffèrent d’environ 5 points (environ 1 %) entre la France et l’Allemagne. En revanche, pour les déciles inférieurs, la différence entre les moyennes des taux d’effort est plus élevée et atteint plus de 20 points (environ 5 %) pour le premier décile. Le taux d’effort micro affectant un poids équivalent à tous les ménages, plus la distribution des taux d’effort est inégalitaire, plus le taux moyen est élevé. Le taux micro pour les faibles revenus est néanmoins à interpréter avec précaution puisque lorsque le revenu tend vers zéro, le taux d’effort tend vers l’infini.
Ce qui n’explique pas la différence entre l’Allemagne et la France (au contraire…)
Les prix. Les prix des logements n’influencent pas directement le taux d’effort en logement. En effet, seuls les remboursements des intérêts d’emprunt sont inclus dans la définition du taux d’effort micro. Or le montant des intérêts n’est pas seulement lié aux niveaux des prix mais dépend aussi de l’état du marché du crédit et de la solvabilité des ménages.
Les loyers. Il est difficile de comparer les loyers au niveau national, le parc étant réparti de manière différente entre les pays et la qualité des biens pouvant varier de manière importante. Toutefois, selon les statistiques opérées au niveau national par certains opérateurs privés allemands sur le parc libre, le loyer moyen au m² en 2013 sur l’ensemble du territoire allemand est d’environ 7,6 € et le loyer de marché de 9,4 €. Le loyer moyen est sensiblement plus bas que le loyer de marché car il est calculé sur tous les loyers et non pas uniquement sur les nouveaux baux.
En France, selon l’enquête logement 2013, le niveau moyen des loyers du parc libre en 2013 est de 10,6 € au m². Lorsque le calcul est mené uniquement sur les ménages ayant emménagé depuis moins d’un an, correspondant donc à des baux nouveaux, le loyer au m² moyen s’élève à 11,2 €.
Selon une enquête EU-SILC 2012, le loyer moyen au m² des ménages locataires du parc libre dans les deux pays donne un écart relatif cohérent : 5,8 € en Allemagne, contre 8,7 € en France pour des surfaces moyennes de 69,3 m² en Allemagne et 66,6 m² en France.
Même si la comparaison des niveaux de loyers entre la France et l’Allemagne s’avère délicate, il semblerait que les loyers soient plus faibles en Allemagne qu’en France. Cela devrait donc conduire à des taux d’effort en logement plus faibles en Allemagne.
Les aides au logement. La politique d’aides au logement (seules les prestations sociales, c’est-à-dire en France les aides personnelles au logement, sont identifiées) diffère sensiblement entre la France et l’Allemagne. La part des bénéficiaires est sensiblement plus élevée en France qu’en Allemagne. En revanche, la moyenne des aides versées par ménage en Allemagne est plus élevée qu’en France.
La répartition géographique. La population allemande est localisée dans des zones à la fois moins denses et moins rurales que la population française. Cette différence de répartition semble à peu près neutre en termes de taux d’effort puisque les taux d’effort plus élevés des habitants des zones denses sont compensés par les taux d’effort plus faibles des habitants des zones faiblement peuplées.