Aux termes du second alinéa de l’article 843 du Code civil, auquel la loi du 23 juin 2006 n’a apporté qu’une modification de vocabulaire, les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n’ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu’en moins prenant.
Par testament notarié du 22 octobre 1999, ayant trait à des biens bâtis et non bâtis dépendant d’un domaine viticole, M. X. avait pris la disposition suivante : "Je lègue ceux-ci [les biens] à mon petit-fils Xavier Z. qui devra en tenir compte en moins prenant sur mes autres biens vis-à-vis de ses cohéritiers".
M. X. décède le 24 mai 2000, en laissant pour lui succéder Mme Ghislaine X., épouse Y., sa fille, M. Xavier Z. et Mme Frédérique Z., ses deux petits-enfants venant par représentation de leur mère, Michèle X., épouse Z., prédécédée, et Colette A., sa seconde épouse.
Dans le cadre ultérieur du partage des successions des époux X., la cour d’appel décide que le legs particulier dont M. X. a gratifié M. Xavier Z. dans son testament du 22 octobre 1999, a le caractère d'une libéralité préciputaire et hors part.
Cette qualification est contestée par Mme Y., qui se pourvoit en cassation en estimant que la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de la technique du règlement en moins prenant et a violé l'article 843 du Code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, considérant que le testateur avait en l’espèce exprimé le caractère rapportable du legs.
Cette argumentation est écartée par la Cour de cassation, qui prend acte de l’interprétation souveraine des juges du fond dans les termes suivants : « après avoir relevé, d'une part, que l'usage, dans un testament, de l'expression "en moins prenant" ne saurait à lui seul caractériser la volonté du testateur de ne pas favoriser son légataire par rapport aux héritiers et de lui imposer le rapport de son legs et, d'autre part, que la notion de moins prenant constitue une modalité de règlement tant des rapports que des réductions de libéralités, c'est par une interprétation rendue nécessaire par le caractère ambigu de la clause testamentaire, que la cour d'appel, analysant la volonté du testateur et les éléments extrinsèques au testament, a souverainement estimé que le legs litigieux avait un caractère préciputaire ».
Il est intéressant de préciser que les éléments extrinsèques consistaient notamment, au cas présent, en une déclaration du notaire ayant recueilli les volontés de M. X., selon laquelle « il était manifeste que le legs de M. Z. avait vocation à s’imputer sur la quotité disponible subsistante ».
Bien que l’arrêt ne soit pas publié au Bulletin civil, il n’en reste pas moins vrai que l'ambiguïté d’une telle stipulation ne peut qu’inciter à la plus grande vigilance sur la précision à apporter à la rédaction des testaments.