Bien que le partage des bénéfices réalisés entre associés corresponde à la cause de la société, leur mise en réserve est également prévue par la loi sur les sociétés (C. com, art. L. 232-12). C’est d’ailleurs une décision recommandée sur le plan financier quand on sait que les sociétés françaises souffrent en général d’un manque de fonds propres. La mise en réserve des bénéfices n’est donc pas a priori une décision contraire à l’intérêt de la société, ni par conséquent à celui des associés. A ainsi été cassé l’arrêt dans lequel la cour d’appel avait retenu un abus de majorité pour mises en réserves de bénéfices au motif que ces décisions étaient contraires à l’intérêt social et destinées uniquement à favoriser les actionnaires majoritaires, alors même qu’elle avait relevé que ces mises en réserves avaient été accompagnées de très importants investissements (Cass. com., 3 juin 2003, n° 00-14386, D).
Toutefois, il est des cas où le juge suprême a considéré que l’absence de distribution pouvait signifier un abus de la part des majoritaires et une sorte de prise en otages des actionnaires minoritaires (Cass. 3e civ., 12 nov. 2015, n° 14-23716, D).
Dans ce dédale de décisions qui peuvent paraître parfois contradictoires, quel est le droit applicable ?
Interrogé, le ministre de l’Action et des Comptes publics indique que :
- contrairement aux sociétés civiles, les sociétés par actions et sociétés à responsabilité limitée ont l’obligation d’affecter en réserve légale une fraction de leur bénéfice ;
- indépendamment de cette obligation, les statuts des sociétés commerciales et des sociétés civiles peuvent prévoir la formation de réserves facultatives ;
- dans le silence des statuts, la collectivité des associés demeure compétente pour décider de la mise en réserve de tout ou partie du résultat réalisé par la société à l’issue d’un exercice ;
- cette décision doit être prise aux conditions de majorité
prévues pour les décisions ordinaires. La mise en réserve, qui
constitue souvent une décision de saine gestion, n’est pas en
elle-même constitutive d’un abus de
majorité ;
- ce n’est que lorsque cette décision aura été prise en contrariété avec l’intérêt de la société qu’elle sera susceptible de sanction justifiée par un abus de droit de vote des associés majoritaires au détriment des minoritaires ;
- le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises consacre cette notion d’origine jurisprudentielle d’intérêt social en l’introduisant dans le Code civil.