Pourquoi l’Autorité de la concurrence juge-t-elle aujourd’hui utile de faire un bilan ?
L’Autorité est au cœur du nouveau dispositif de régulation de l’accès aux offices notariaux. La carte que le législateur l’a chargée de proposer aux ministres de la Justice et de l’Économie a été entérinée par arrêté du 16 septembre 2016. Elle a été confirmée par le Conseil d’État statuant au contentieux le 16 octobre 2017.
Conformément à notre avis, 1650 nouveaux notaires libéraux vont donc pouvoir s’installer d’ici septembre 2018. Un an après le lancement du dépôt des candidatures, il m’a semblé opportun de vérifier comment cette réforme importante s’est traduite en actes, d’autant que le Gouvernement s’est lui-même fixé un objectif à mi-parcours : la création de 1002 nouveaux offices dans un délai de 12 mois suivant l'ouverture des candidatures.
Selon vous, ce bilan est-il positif ou négatif ?
Le premier constat est que le processus est enclenché et se concrétise par des nominations de notaires : au 17 novembre 2017, 693 arrêtés portant création d’un office notarial ont été publiés au Journal officiel, permettant ainsi la nomination de 720 notaires libéraux (parmi lesquels 62 notaires déjà en place). Dans le même temps, 25 offices créés ont été supprimés, faute de prestation de serment pour les 25 candidats concernés. Le bilan « net » s'élève donc à 668 nouveaux offices et à 633 nouveaux notaires.
Au vu de ces chiffres, l’Autorité constate, comme la Chancellerie, un retard sur le calendrier fixé par les textes. Il faut toutefois souligner qu’il s’agit d’une réforme sans précédent (le bilan net des créations s’élevait, entre 2005 et 2015, à 64 offices seulement) et ambitieuse (les perspectives d’exercice libéral vont s’accroître de 20 % en 2 ans).
Sandrine Roudeix
En outre, sa mise en œuvre a été complexe : un certain nombre de recours ont ralenti, et parfois même interrompu, le processus de nomination, à l’image de la suspension des tirages au sort en décembre 2016. Il reste que les services de l’État ont réalisé, en quelques mois seulement, un travail colossal, avec l’appui de la profession. De nombreux textes réglementaires d’application ont été adoptés. De nouvelles infrastructures techniques, telles que le site Internet OPM, ont été déployées. Au niveau local, je tiens également à remercier les parquets généraux pour leur implication, ainsi que les instances de la profession, qui sont mobilisées pour accueillir les consœurs et confrères nouvellement nommés dans les meilleures conditions.
Aujourd’hui, le mouvement est enclenché et ne s’arrêtera plus. Des dizaines d’arrêtés de nomination sont en cours de publication et l'arrêté du 16 septembre 2016 prévoit que, si le nombre de professionnels nommés au 17 novembre 2017 est inférieur à 1650, l'instruction des demandes se poursuit jusqu'à atteindre cet objectif.
Je suis donc confiante et résolue à faire aboutir cette réforme. Les objectifs fixés en 2015 seront atteints : l’augmentation de l’offre notariale interviendra là où se situent les besoins, autour des grandes agglomérations et sur le littoral. L’ouverture de la profession bénéficiera en priorité aux jeunes et aux femmes. On doit relever que près de 56 % des nouveaux notaires libéraux nommés sont des femmes. Quant au maillage territorial, la préservation de la viabilité économique des offices existants, notamment des offices ruraux, a été au cœur de nos préoccupations lors de la délimitation des zones d’installation contrôlée.
Quelles sont les perspectives ?
La carte adoptée en septembre 2016 n’est que la première étape du dispositif prévu par la loi pour rééquilibrer progressivement le nombre de notaires aux besoins de la population et de l'économie françaises. Elle est appelée à être révisée d’ici septembre 2018.
Lors de l'élaboration de cette première carte, l'Autorité a systématiquement retenu les hypothèses les plus prudentes. Elle a raisonné sur des projections de long terme, pour lisser les effets conjoncturels. Par souci de progressivité, elle n'a retenu pour 2016-2018 qu'une fraction des besoins évalués à 10 ans.
La méthode sera la même pour la révision de la carte, en réajustant au besoin la trajectoire et la cible, au regard des évolutions économiques et démographiques les plus récentes de la profession. L’Autorité recherche toujours des solutions équilibrées et concertées. Ainsi, les travaux de révision de la carte débuteront par une consultation publique, lancée au premier semestre 2018, à laquelle seront invités à participer les notaires en exercice – notamment les jeunes créateurs d’office –, les candidats à l’installation, les instances représentatives de la profession et les associations de consommateurs agréées.
Nous dresserons un bilan quantitatif et qualitatif de la réforme. Des améliorations sont possibles et nous ferons des propositions en ce sens. Il sera essentiel de bien évaluer les conditions d’installation des nouveaux notaires et l’impact de la réforme sur les professionnels en place.
(Propos recueillis par Liliane Ricco)
Rédaction Lextenso