« Demain, le territoire » : les 20 propositions du 114 e congrès dévoilées

Ref : Defrénois 24 mai 2018, n° DEF136s4, p. 13

C'est le 16 mai dernier que Me Didier Coiffard, président du Conseil supérieur du notariat, et Me Emmanuel Clerget, président du 114e congrès des notaires, ont convié la presse à la présententation des 20 propositions qui seront mises aux voix par les 4 commissions à Cannes.

Cette démarche, totalement inédite, s'inscrit dans ce qui constitue l'ADN des congrès qui se veulent un espace de communication, de réflexion et d’échanges.

Rassemblement annuel ayant pour vocation de confronter la pratique notariale et l’évolution des besoins de la vie sociétale, le but en est de faire évoluer les textes, d’être une force de proposition pour les pouvoirs publics.

C'est précisément pour que les débats, animés par Me Antoine Bouquemont, rapporteur général, et les équipes des 4 commissions, puissent être les plus riches possibles qu'il est apparu utile de diffuser en amont les propositions, permettant ainsi aux congressistes de s'y préparer.

Propositions 1re commission : « Demain l'agriculture »

Proposition n° 1 : Évolution de la définition de l’activité agricole

Cette proposition vise à élargir la définition de l’activité agricole, afin d’y intégrer les réalités actuelles des exploitations.

À ce titre, il convient que soit prise en compte la multifonctionnalité du territoire, notamment  la production d’énergie renouvelable, les prestations pour services environnementaux et toute activité connexe ayant pour  support l’exploitation non incluse dans la définition actuelle.

Rapport :

  • registre des actifs agricoles : nos 1724 à 1733

  • prestation de services en agriculture (travail à façon) : nos 1753 à 1768

  • multifonctionnalité de l’agriculture : nos 1807 à 1813

Proposition n° 2 : Création d’un groupement foncier agricole dédié à la protection du territoire rural

Les GFA sont des sociétés spécifiquement dédiées au portage du foncier en agriculture.

Leur utilisation est principalement réservée au cercle familial. Pour donner un nouveau souffle à cette structure, il convient d’élargir leur objet social et de permettre l’entrée des personnes morales dans leur capital.

Ces évolutions seraient conditionnées à la préservation à long terme de l’usage agricole des terres et de l’environnement.

Rapport :

  • GFA familiaux : nos 1364 à 1368

  • GFA investisseurs : nos 1383 à 1389

  • portage du foncier agricole : nos 1369 à 1393

  • bail rural environnemental : nos 1497 à 1517

Proposition n° 3 : Élargissement des bénéficiaires de la subrogation dans l’exercice du droit de préemption du fermier

Les agriculteurs manquent parfois de  moyens financiers pour exercer leur droit de préemption sur les terres qu’ils exploitent.

L’élargissement des bénéficiaires de la subrogation dans l’exercice de ce droit de préemption favoriserait le portage foncier en agriculture.

Pour répondre aux enjeux actuels, cet élargissement serait conditionné à la préservation à long terme de l’usage agricole des terres et de l’environnement.

Rapport :

  • droit de préemption du preneur en place : nos 1333 à 1355

  • portage du foncier agricole : nos 1369 à 1393

  • statut du fermage : n° 1645

Proposition n° 4 : Libéralisation encadrée de la cessibilité des baux soumis au statut du fermage

Permettre la cessibilité de tous les baux soumis au statut du fermage est une nécessité pour le développement de véritables entreprises agricoles.

Néanmoins, pour éviter la  spéculation, il est nécessaire d’encadrer le montant des pas de porte et des loyers.

Les droits du bailleur doivent également être respectés : son agrément à la cession et son  droit de reprise en fin de bail contre indemnité sont donc impératifs.

Rapport :

  • valorisation des modes de jouissance cessibles : nos 1693 à 1707

  • interdiction de cession du bail et ses exceptions : nos 1665 à 1678

Proposition n° 5 : Transformation des modes de régulation de l’appropriation et de l’usage des terres agricoles

La régulation de l’agriculture est actuellement assurée par deux institutions :

  • la SAFER, qui encadre les mutations immobilières ;

  • et le contrôle des structures, qui encadre  l’activité agricole.

Pour des raisons diverses, elles ne sont plus adaptées aux enjeux.

Il est donc nécessaire de conférer plus de cohérence au système en les regroupant au  sein d’une seule structure dotée d’un pouvoir de contrôle, notamment en amont des opérations.

Rapport :

  • SAFER : nos 1204 à 1330

  • contrôle des structures : nos 1601 à 1643

Propositions 2e commission : « Demain l'énergie »

Proposition n° 1 : Simplification du regroupement forestier

Le morcellement de la propriété forestière est un frein à sa gestion durable, aggravant le déficit chronique de la filière forêt-bois.

Les outils actuels de regroupement de la  propriété sont complexes. Leurs effets sont trop lents.

Il est donc proposé de simplifier ce regroupement de trois façons :

  • en unifiant les divers droits de priorité lors des ventes de bois de moins de quatre hectares ;

  • en créant un droit de délaissement de ces  biens ;

  • et en réformant la législation des biens  sans maître.

Rapport :

  • droits de priorité : nos 2160 et s.

  • biens sans maître : nos 2243 et s.

Proposition n° 2 : Création d’un fonds de garantie pour le démantèlement des éoliennes

Les appréhensions du voisinage à l’égard des éoliennes peuvent être un obstacle à la transition énergétique.

Or, le démantèlement des éoliennes, quand il est obligatoire, n’est pas toujours assuré.

Il conviendrait donc d’établir un fonds de garantie destiné à financer ce démantèlement, dans l’hypothèse où l’exploitant serait défaillant.

Rapport : nos 2624 et s.

Proposition n° 3 : Refonte de l’usufruit des bois et forêts

Les articles du Code civil sur l’usufruit forestier, inchangés depuis 1804, nécessitent une refonte pour tenir compte notamment des méthodes actuelles de gestion forestière.

Il est proposé de maintenir dans le Code civil les dispositions sur l’arbre et d’insérer dans le Code forestier celles sur les bois et forêts, en les liant aux documents de gestion durable.

La prise en charge des travaux forestiers serait également précisée.

Supplétives de volonté, ces nouvelles dispositions laisseraient également place à des règles régionales.

Rapport : nos 2050 et s.

Proposition n° 4 : Création d’un contrat d’ordre public d’installation d’énergie renouvelable pour les particuliers

Il n’existe encore aucune législation spécifique concernant le propriétaire souhaitant installer une énergie renouvelable à son domicile.

Cela conduit à des solutions concrètes erratiques et pas toujours opportunes.

L’accélération de la transition énergétique domestique passe par un cadre sécurisant, avec une garantie d’achèvement et surtout une garantie de production minimale.

Rapport : nos 2617 et s.

Proposition n° 5 : Mise en place du bail forestier

L’obligation de gérer durablement la forêt est prévue par les textes. Pour y répondre, le propriétaire privé n’a, à ce jour, qu’un mode possible : le faire valoir direct, assisté ou non d’une coopérative ou d’un expert forestier.

Il faut permettre de dissocier propriété et gestion. Le propriétaire donnerait à bail un territoire forestier à un exploitant.

Pour assurer le succès de ce mode alternatif de gestion, des garanties doivent être apportées à chacune des parties.

Propositions 3e commission : « Demain la ville »

Proposition n° 1 : Dérogation au statut du fermage pour l’agriculture urbaine

L’agriculture intra-muros, par ses vertus alimentaires et sociales, est en pleine émergence dans un paysage nouveau.

Son intégration et son développement en ville posent de nombreuses questions juridiques.

Celle de l’accès aux surfaces d’exploitation (jardin, toit d’immeuble) interroge sur le sort laissé à la liberté contractuelle.

Les dispositions impératives du statut du fermage ont-elles leur place en ville ?

Rapport : n° 3490

Proposition n° 2 : Libération du foncier dans les lotissements

L’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme a été pensé par les concepteurs de la loi ALUR pour libéraliser des espaces fonciers dès 2019, en autorisant notamment les subdivisions de lots ou l’implantation de bâtiments collectifs, tolérées par l’urbanisme local mais interdites par des cahiers des charges de lotissements.

La maladresse de rédaction de cet article mettant en contradiction ses  propres alinéas 1, 3, voire 5, de même que l’opposition frontale entre l’objectif de la loi et le droit au respect des contrats défendu par la Cour de cassation rend la situation ingérable.

Une réécriture de cet article L. 442-9 du Code de l’urbanisme semble inévitable.

Rapport : nos 3525 à 3531

Proposition n° 3 : Création d’une servitude légale pour l’isolation par l’extérieur

La rénovation énergétique des bâtiments est l’une des clés de la lutte contre le réchauffement climatique.

Jugée plus efficace, l’isolation par l’extérieur peut s’avérer problématique lorsque le bâtiment est édifié en limite de propriété.

L’accord du propriétaire riverain est indispensable pour réaliser le projet.

En cas d’accord, il est courant de  conclure soit l’achat de l’assiette cadastrale ou volumétrique concernée par l’isolation, soit une servitude conventionnelle.

En théorie, le choix n’est pas permis…

Rapport : nos 3394, 3395 et 3404

Proposition n° 4 : Amélioration de la prévention des recours contre les autorisations d’urbanisme

Le législateur a pris conscience du préjudice créé à la société tout entière par les recours abusifs. Depuis plusieurs années, il lutte contre ce fléau.

La loi ÉLAN devrait encore permettre une avancée par un raccourcissement du temps de la justice à dix mois par instance et la pérennisation de l’absence d’appel pour les programmes collectifs dans les zones tendues.

Les sanctions rendues contre les requérants abusifs devraient également être plus sévères.

Il reste cependant un point faible dans le mécanisme de lutte, tenant à ce que le demandeur de l’aide juridictionnelle voit son délai de recours interrompu, sans même que l’auteur de la décision ou le titulaire de l’autorisation n’en ait connaissance.

Il faudrait donc réécrire l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme pour que la demande d’aide juridictionnelle soit portée obligatoirement à leur connaissance.

Rapport : nos 3114 et s.

Proposition n° 5 : Reconnaissance d’un urbanisme tridimensionnel

Que ce soit au stade de la conception des projets avec les BIM, au stade de la commercialisation avec les visites virtuelles, ou même au stade de la construction des maisons avec les premières imprimantes, la 3D a pris pied dans l’immobilier.

Les premières reconnaissances juridiques de cette 3e dimension existent aussi au travers de la loi ALUR sur les volumes, ou du permis de construire numérique.

Les densification, mixité et partage dont les villes de demain auront besoin nécessitent que cette 3e dimension soit prise en compte également au niveau cadastral et urbanistique.

Ainsi, un PLU pourra par exemple prévoir des zonages ou des servitudes d’utilité publique comme des alignements, non plus seulement au plan planimétrique mais également altimétrique.

Rapport :

  • BIM : nos 3411 et 3412

  • constructions en 3 D : n° 3642

  • volume ALUR : nos 3267 et s.

  • permis de construire numérique : n° 3412

Propositions 4e commission : « Demain le financement »

Proposition n° 1 : Clarification et aménagement de la fiscalité des pas de porte en agriculture

La perception d’un pas de porte par le bailleur est principalement assimilée à un supplément de loyer et, à ce titre, taxée au titre des revenus fonciers.

Plus exceptionnellement, elle est assimilée à une indemnité compensant la dépréciation du bien donné à bail.

Nous proposons un étalement de la taxation du pas de porte sur la durée du bail lorsqu’il s’agit d’un supplément de loyer.

Nous proposons également de définir les conditions d’un cas particulier de dépréciation permettant la non-imposition des pas de porte en agriculture : durée du bail, pratiques environnementales vertueuses et sanctuarisation des terres.

Rapport : nos 4017 et s.

Proposition n° 2 : Instauration d’un crédit d’impôt pour la rénovation énergétique lors de l’acquisition d’un logement

La baisse de la consommation d’énergie est indispensable au succès de la transition énergétique.

Pour cela, la rénovation énergétique de l’ensemble des logements doit intervenir urgemment.

Pourtant, les diverses aides existantes n’incitent pas à une rénovation énergétique vraiment efficace. Une incitation fiscale importante, consentie lors de l’acquisition du bien sous condition de travaux préalablement prescrits et effectués dans les deux ans, favorisera les rénovations globales performantes.

Rapport : nos 4404 et s.

Proposition n° 3 : Création d’une réserve pour investissement et aléas en agriculture

L’agriculture est fragilisée par la fin d’une politique agricole commune de régulation, la forte volatilité des marchés et l’accélération des aléas climatiques. Les exploitations  souffrent de la progressivité de l’impôt sur le revenu.

Les entreprises agricoles ont besoin de se constituer des fonds propres à  l’abri du barème progressif de l’impôt sur le revenu pour investir et avoir de la trésorerie.

Pour y parvenir, il est proposé la création de réserves s’appuyant sur le mécanisme simple d’une imposition forfaitaire à taux réduit.

Rapport : nos 4163 et s.

Proposition n° 4 : Promotion de l’obligation réelle environnementale (ORE) par un régime fiscal de faveur

L’obligation réelle environnementale est une création récente ayant pour finalité la protection de la biodiversité ou de fonctions écologiques grâce à une prestation assurée par un propriétaire immobilier moyennant une contrepartie.

Elle peut être utilisée à des fins de compensation.

Elle engage les propriétaires successifs et est publiée au service  de la publicité foncière, ce qui assure sa pérennité. L’exonération d’impôt de la contrepartie reçue par le propriétaire facilitera son développement.

Rapport : n° 4712

Proposition n° 5 : Alignement de l’exonération des baux ruraux à long terme sur celle du pacte Dutreilet mise en place d’une fiscalité incitative pour le portage foncier vertueux

En 1970, l’objectif du législateur, en partenariat avec le notariat, était simple : favoriser la transmission de l’exploitation agricole et décharger l’héritier repreneur du rachat du foncier.

Né de cet objectif, le couple classique bail à long terme-GFA se trouve aujourd’hui concurrencé par le pacte Dutreil.

Plus avantageux fiscalement mais ne permettant pas de dissocier le foncier de l’exploitation, il convient d’y  remédier et de permettre aux agriculteurs d’opérer leurs choix, indépendamment de considérations purement fiscales.

Par ailleurs, il convient d’exonérer totalement de droits de mutation à titre gratuit les personnes physiques ou morales s’engageant dans un portage foncier vertueux.

Rapport : nos 4106 et s.

Rédaction Lextenso

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