Vous venez d’être élu président de la chambre des notaires de Paris. Pouvez-vous vous présenter ?
Notaire associé au sein d’un réseau d’offices dont le siège est à Paris (17e) et spécialisé dans la clientèle d’entrepreneurs et la planification des transmissions de patrimoine, ma clientèle multinationale m’a conduit à prendre en compte les mutations rapides qui s’opèrent au sein de la Métropole du Grand Paris.
Rapporteur général du congrès des notaires de France 2012 sur le thème de la transmission, je suis actuellement membre d’un réseau international de juristes du patrimoine.
Après avoir exercé la fonction de premier vice-président de la chambre des notaires de Paris de mai 2016 à mai 2018, je succède ainsi à Pascal Chassaing et souhaite consacrer mon mandat à une stratégie volontariste de développement par l’innovation pour les offices notariaux du Grand Paris.
Ceux-ci doivent encore plus vite adapter leurs structures, leur fonctionnement, et leurs modes d’intervention pour faire face aux mutations économiques, technologiques et sociétales qui s’expriment actuellement avec une vigueur particulière dans notre Métropole. Cette transformation de certaines traditions notariales, et cet engagement dans l’innovation se réaliseront avec la participation active de tous les notaires, qui sont appelés à devenir autant d’acteurs de leur changement.
Mais ce projet doit aussi respecter ce qui fait l’identité de la profession : son organisation et sa discipline autour d’une déontologie forte qui doit être renforcée autant que revisitée. Seule en effet l’alliance entre les fondamentaux qui composent l’identité notariale et un esprit nouveau d’innovation collective permettront à la communauté notariale de la Métropole de contribuer activement à la diffusion d’un service public de la confiance qui est indispensable à la construction du Grand Paris.
Quels sont les membres du nouveau bureau et quelles sont les spécificités de cette Compagnie ?
Cédric Blanchet, premier vice-président, est notaire associé dans un office du 1er arrondissement de la capitale et, depuis avril 2015, occupe les fonctions de président du CRIDON de Paris. De 2012 à 2015, il a exercé les fonctions de premier syndic de la chambre des notaires de Paris et, à ce titre, il a été en charge des questions de discipline et de déontologie au sein de la Compagnie des notaires de Paris. Il a en charge notamment l’accueil des nouveaux notaires et l’accès au droit.
Stéphane Adler, vice-président, est également président de Paris Notaires Services (PNS), et à ce titre en charge des technologies de l’information et de la communication (TIC). Major de son DESS en droit notarial en 1996 et spécialiste du droit de l’urbanisme et de la construction, il exerce dans un office du centre de Paris qui regroupe 5 notaires et 22 collaborateurs.
Viviane Beuzelin, premier syndic, en charge de la discipline, est notaire associée dans un office du 12e arrondissement de Paris, comprenant 4 notaires. À l’occasion de sa première élection à la chambre des notaires de Paris, elle a été membre de la commission en charge de l’accueil et de l’intégration des nouveaux notaires. Elle a coordonné et animé à deux reprises les travaux de l’Université régionale du notariat (URN) d’Île-de-France.
La chambre des notaires de Paris regroupe près de 1 300 notaires de Paris, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, qui exercent au sein de 390 études, dont la dimension moyenne est de 25 salariés et emploient plus de 5 300 collaborateurs. Chaque année, 3 millions de personnes franchissent la porte de leurs études et les notaires établissent en moyenne 300 000 actes (120 000 ventes immobilières et 18 000 déclarations de succession). La chambre elle-même, avec ses structures associées, se compose d’une centaine de collaborateurs exerçant dans des services très diversifiés.
Quelles sont les lignes force de votre mandat ?
Ce mandat s’engage à un moment où le nombre d’offices de la Compagnie de Paris a progressé en un an de plus de moitié du fait de la liberté d’installation, ce qui constitue pour elle un défi inédit. Les nouveaux offices vont démarrer leur activité. Cela explique, avec l’accélération des mutations économiques, sociétales et technologiques, un projet qui se veut lui aussi inédit et qui se caractérise par une triple ambition.
Le développement autour d’une identité notariale forte
Notre développement tirera son originalité et sa richesse d’une conjugaison nouvelle entre notre rôle d’officiers publics – exerçant la sécurité juridique, la sécurité des flux et la garantie de la transparence dans les transactions, mais aussi des missions de confiance données par l’État – et notre qualité d’entrepreneurs – responsables du développement d’entreprises de service qui interviennent dans un univers concurrentiel de plus en plus affirmé, à l’intérieur de la profession comme à l’extérieur, au niveau national comme international. Notre voie de développement est fondée sur une indispensable et fructueuse conciliation entre diversité et identité.
Une diversité d’offices qui est la grande particularité de la Compagnie de Paris et porte sur la taille ou la structure des offices, leurs spécialisations, les demandes de leur clientèle, les projets des professionnels. Elle constitue une richesse indispensable pour répondre avec l’élan nécessaire aux multiples défis de l’aménagement et l’attractivité du Grand Paris et aux demandes diverses de clientèles elles-mêmes multiples.
L’identité notariale est forte. Si elle change de contour avec le temps, elle ne se dissout pas. Elle doit être affirmée mais aussi revisitée pour être adaptée à la société du 21e siècle. Elle implique un renforcement des missions de contrôle et de conseil de notre chambre pour le respect de nos règles d’exercice fondées sur l’impartialité du notaire, la garantie de la transparence dans les transactions qu’il authentifie, la sécurité juridique et financière liée à ses actes et à ses missions, autant de facteurs de la confiance qui lui est reconnue par la clientèle comme par l’État.
Elle sera mise en œuvre par la mobilisation des 27 membres de la chambre comme de ses structures permanentes au profit d’une démarche systématique et collective de modernisation et d’amélioration des relations avec les clientèles. Une Charte portant notamment sur les droits et devoirs de la confraternité sera proposée à chaque notaire qui devra s’engager personnellement.
Cette solidarité professionnelle s’exprimera notamment au bénéfice des nouveaux notaires avec une mission d’accompagnement proposant aux 150 créateurs nommés depuis un an un service d’accompagnement leur permettant d’assurer leur développement dans le cadre d’innovation.
Un parcours notarial sera défini pour fluidifier les carrières d’accès à la profession et d’intégration dans la gestion.
La communication des offices doit être redéfinie comme vecteur de développement.
Et la communication entre les instances et la Compagnie va faire l’objet d’une adaptation des méthodes, avec notamment une application mobile moderne permettant à l’information de circuler avec fluidité.
L’innovation
Elle est un facteur indispensable de développement en raison de la rapidité des mutations économiques, sociétales et technologiques. Quatre axes seront déployés.
Une méthode a été adoptée : la Compagnie est riche des initiatives et des projets de ses 1 300 notaires. La diffusion des expériences menées dans les offices, l’évaluation collective des conditions de leur succès constituent la raison d’être de la démarche « Nous réinventons le notariat du Grand Paris » qui a été portée depuis un an et demi par des centaines de notaires réunis en petits groupes d’action et de réflexion. Cette démarche sera elle-même étendue à d’autres groupes de notaires, en même temps qu’une nouvelle phase de notre partenariat avec l’école HEC sera engagée à l’automne. Nous travaillons sur ce sujet en parfaite harmonie avec les chambres voisines de Boulogne et Versailles.
Plusieurs initiatives permettront la diffusion des innovations : de jeunes diplômés vont être réunis dans une « chambre Junior » constituée le mardi 19 juin pour être un aiguillon dans la construction du notariat de demain.
La dématérialisation : la Compagnie a fait une priorité absolue de la maîtrise des technologies de l’information et de la communication. Elle a remporté des succès appréciables, comme celle de la gestion des data room pour les grands projets d’investissements publics et privés, qui la conduisent à forcer l’allure, par exemple grâce à l’intelligence artificielle. Un fonds d’innovation a été adopté qui permettra à la chambre d’être partenaire de plusieurs projets de développement stratégiques pour la Compagnie.
La rationalisation des procédures : la simplification et la rationalisation des procédures, qui permettront d’aboutir le plus rapidement possible à des réponses concrètes à certaines difficultés que rencontrent nos clients, constituent plus que jamais la raison d’être du notariat. De fortes initiatives seront prises dans ce domaine, en lien avec des experts de l’université, qui seront présentées dans une conférence à l’automne prochain.
L’ouverture
Les notaires souffrent depuis longtemps d’une tradition faite de réserve et de discrétion, qui les a privés de tribunes alimentées par beaucoup d’autres professions.
Cela a nui également à la connaissance de notre métier par la clientèle.
La communication individuelle des notaires eux-mêmes, longtemps interdite, doit être déployée pour présenter avec la dignité et la rigueur qui s’imposent les services de chacun des offices et permettre aux clients de se déterminer en toute connaissance de cause. Cette communication constitue désormais une attente des autorités publiques de régulation.
L’accès au droit est devenu une priorité de l’autorité judiciaire à laquelle le notariat est associé directement. Nous nous engageons résolument dans cette démarche, comme dans toutes celles qui sont liées à la politique d’alternatives aux procédures contentieuses, comme la médiation et l’arbitrage.
Nous serons présents dans les débats de société où nous avons par notre expérience une expression utile à livrer aux pouvoirs publics et à l’opinion. Des porte-paroles seront désignés sur les principaux sujets de l’heure et notre Club du Châtelet sera redéfini pour être un lieu de dialogue et de débats.
Enfin, les notaires de la Métropole se veulent acteurs de l’attractivité et du bien-vivre du territoire et partenaires enthousiastes de la construction du Grand Paris en créant un label « Notaires du Grand Paris », en étant à la fois un relais de proximité des préoccupations des franciliens et un acteur pour la mise en œuvre des projets. Les notaires apportent la sécurité et l’efficacité aux multiples grands et petits projets dont le succès créera l’indispensable climat de confiance nécessaire au succès de ce chantier si déterminant pour notre pays.
Les notaires sont et seront de plus en plus au cours des prochaines années des acteurs de l’attractivité du territoire, en synergie avec d’autres professions.
(Propos recueillis par Liliane Ricco)
Rédaction Lextenso