La procédure de révision du montant de la pension alimentaire pourrait bientôt être modifiée par le projet de loi de programmation pour la Justice.
Interview de la magistrate Sophie Rodrigues, adjointe au chef de bureau du droit des personnes et de la famille à la Direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice.
@Dicom/MJ Caroline Montagné
Avant d'entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous d'abord rappeler ce qu'est la pension alimentaire, à quoi elle sert et qui la fixe ?
De façon générale, la pension alimentaire est le montant qu'une personne paye à une autre pour subvenir à ses besoins. Lorsque l'on parle d'enfants, la pension alimentaire est la somme que le parent qui ne vit pas habituellement avec l'enfant verse à l'autre pour l'aider à contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. En effet, lorsque les parents se séparent, l'un contribue de façon directe à l'entretien et à l'éducation de l'enfant par la prise en charge des frais de l'enfant et le deuxième y contribue de façon indirecte en payant la pension alimentaire. En ce qui concerne la fixation du montant de la pension alimentaire, il y a deux possibilités : soit les parents se mettent d'accord sur un montant, soit ils vont devant un juge pour fixer le montant de la pension alimentaire.
Actuellement, quelle est la procédure qui permet de réviser le montant de la pension alimentaire ?
Pour réviser le montant de la pension alimentaire, il y a deux possibilités : soit les parents se mettent d'accord, c'est souvent le cas, soit ils n'y parviennent pas et passent devant un juge. Dans ce dernier cas, un des parents saisit le juge pour tenir compte soit d'une modification de ses revenus ou de ceux de l'autre parent, soit d'une évolution des besoins de l'enfant.
Le projet de loi de programmation pour la Justice propose justement d'expérimenter une nouvelle procédure de révision du montant de la pension alimentaire. En quoi consiste-t-elle ?
Il s'agirait de permettre à la personne qui évoque un élément nouveau de passer devant le président de la Caisse d'allocations familiales (CAF) afin d’obtenir un titre exécutoire et non plus devant le juge comme actuellement.
Qu'est-ce qu'un titre exécutoire ?
C'est un document qui permet d'obtenir le paiement forcé de la pension alimentaire si la pension n'est plus payée spontanément par le débiteur. La personne bénéficiaire de la pension alimentaire va pouvoir aller présenter ce document, notamment à un huissier de justice, afin qu'il lance une procédure auprès du débiteur, par exemple une saisie sur salaires, afin d'obtenir le paiement de la pension.
Quel est l'intérêt de la nouvelle procédure de révision du montant de la pension alimentaire ?
Le but est d’éviter la procédure judiciaire et de permettre à la personne qui souhaite se procurer rapidement un titre exécutoire de l'obtenir par une procédure simplifiée plus rapide et auprès d'un interlocuteur habituel de la famille qui est souvent la CAF. Cette nouvelle procédure permettrait d'obtenir plus rapidement un titre qui corresponde davantage à la situation à un moment donné et qui colle plus au besoin des parties et donc, in fine, à l'intérêt de l'enfant.
Cette expérimentation est entourée de nombreuses garanties pour le citoyen. Pourriez-vous détailler ces garanties ?
Pour le citoyen, il y a cinq garanties.
D'abord, cette expérimentation est limitée dans le temps et l'espace, nous verrons ensuite le résultat de cette expérimentation qui sera évaluée avec tous les professionnels concernés.
Ensuite, cette expérimentation s'appuiera sur un barème déjà existant et connu de tous les professionnels (avocats, médiateurs, juges).
Ce barème sera utilisé par la CAF, qui est un organisme de droit privé mais qui exerce une mission de service public et qui, par nature, déjà proche de la matière familiale, n'aura pas de marge d'appréciation.
Quatrième garantie : l'expérimentation est prévue pour correspondre aux situations les plus simples. Le dispositif ne s’appliquera pas lorsque la situation financière de l’un ou de l’autre des parents sera trop complexe pour permettre la simple application du barème.
Enfin, en cas de contestation sur le titre exécutoire délivré par la CAF, il sera possible de passer devant le juge aux affaires familiales comme c'est déjà le cas aujourd'hui. Dans l'attente de la décision du juge, la suspension de l'exécution provisoire de la décision de la CAF pourra être demandée si les conséquences de la décision appliquée immédiatement sont manifestement excessives.
Pour conclure, nous espérons que cette expérimentation permettra de simplifier les démarches des familles et, finalement, de tendre vers un apaisement des relations à la suite de la séparation.
(Interview réalisée par le ministère de la Justice – SG – DICOM – Damien ARNAUD/@Dicom/ MJ Damien Arnaud)
Rédaction Lextenso