Le notaire et l'indivision au cœur des 9 es Rencontres de l'ARNU Reims

Ref : Defrénois 4 avr. 2019, n° DEF147h5, p. 15

Le 22 mars dernier, Mme Nathalie Baillon-Wirtz, les membres de l’ARNU Reims et moi étions particulièrement heureux d'ouvrir les 9es Rencontres Notariat-Université consacrées cette année au thème « Le notaire et l’indivision ». Cherche-t-on à « accoupler » le notaire, l’an passé « le notaire et le risque », cette année avec une toute autre notion, celle de l’indivision ?

Mais avant d’en venir au thème de la journée, je souhaite situer l’Association Rencontre Notariat-Université (ARNU). Il est clair que l’université apporte beaucoup au monde notarial, puisque la pratique de ce dernier est largement influencée par l’enseignement et la réflexion de nos amis universitaires. Mais ces derniers nourrissent eux-mêmes leurs analyses de ce que leur inspire notre pratique quotidienne. La collaboration de ces deux mondes professionnels, avec un enrichissement mutuel, constitue l’essence, l’ADN, de l’ARNU. L’ARNU nationale fut fondée voici une trentaine d’années par le professeur Jean Derruppé et feu notre confrère Jean-Louis Magnan lequel a donné son nom au concours annuel qui est organisé pour les étudiants de master 2 de droit notarial des facultés de droit françaises et au prix qui est décerné. Les synergies qui existent entre l’université et le notariat se doublent de liens très amicaux, savamment entretenus. Plusieurs « déclinaisons » en région de l’ARNU, une petite dizaine, la nôtre fêtant ses 10 ans d’existence l’an prochain, avec un nouveau colloque dont le thème reste à définir. Chacune peut revendiquer des spécificités, celle de Reims étant d’associer systématiquement les étudiants de master 2 de droit notarial à son colloque. Ceux qui sont appelés à être nos stagiaires, puis nos collaborateurs, peut-être même nos associés, voire nos successeurs étaient présents parmi nous. Mais ils n'étaient pas là que pour écouter la bonne parole et jouer un rôle quelque peu passif. C’est tout le contraire, puisque, comme chaque année, ils ont animé une table ronde en fin d’après-midi, avec trois interventions sur le thème de l’indivision.

Ce thème ne semble pas avoir d’âge : on a l’impression de l’avoir toujours connu. Pourtant, il est toujours d’actualité, car il fait l’objet d’une jurisprudence foisonnante, preuve que ses règles alimentent les discussions, voire les contentieux, et nécessitent une clarification de manière fréquente. N’a-t-on pas vu, récemment, la Cour de cassation venir affirmer que la taxe d’habitation due à raison de l’occupation par un ex-époux d’un bien indivis doit être inscrite en compte d’administration de l’indivision et portée au passif de l’indivision ? Il ne s’agit pas, nous disent les hauts magistrats, d’une dépense personnelle de l’ex-époux qui occupait seul le logement considéré. Autre exemple par un arrêt rendu au mois de juillet 2017, qualifié « d’inédit », résumé en ces quelques mots : « La vente d’un bien indivis par un seul n’est pas nulle ». Aborder le thème de l’indivision, c’est donc avoir conscience de ce qu’il est des solutions qui peuvent peut-être surprendre, en tout cas nécessiter des propos nuancés.

Il est assurément possible d’aborder la notion d’indivision de plusieurs manières.

Quelles sont les prérogatives de ces personnes qui ont une propriété qu’on peut qualifier de « collective » ? Quelles sont leurs obligations, comment peuvent-elles transmettre leurs droits, quels sont les rapports entre indivisaires ? Voilà quelques questions essentielles. Mais, également, quels sont les rapports des indivisaires avec les tiers, en particulier lorsqu’interfèrent des procédures collectives affectant l’un d’entre eux ? Autant d’exemples d’interrogations qui ont nécessité, si tant est que cela soit possible, une sorte de tour d’horizon, tâche confiée à M. François Sauvage, professeur à l'université d'Évry-Val d'Essonne.

On peut également vouloir aborder le thème de l’indivision dans une perspective temporelle, avec trois grands moments : sa naissance, sa vie, sa fin.

1. L’indivision peut naître à la suite d’un évènement incontournable ou quasi-incontournable, tel que le décès d’une personne qui laisse plusieurs héritiers ou le divorce d’un couple marié sous le régime de communauté. Nous pouvons alors être réticents à l'égard de l'indivision, voire être tentés de la déconseiller, notamment au motif que, ainsi que nous l’enseigne l’article 815 du Code civil, elle est par essence précaire, nul ne pouvant en effet être en principe tenu de rester dans l’indivision. Pourtant, c’est nous, notaires, qui la mettons en place de manière souvent habituelle ! Lorsque des époux séparés de biens, des partenaires pacsés ou encore de simples concubins acquièrent ensemble une maison ou un appartement, ne les plaçons-nous pas assez souvent dans cette situation qui, par ailleurs, appelle assez naturellement de notre part des réserves ? Les difficultés peuvent être ensuite nombreuses ! Par exemple, ne faudra-t-il pas revenir sur les parts de propriété respectives inscrites dans notre acte d’achat et alors, comment faire ? Dès lors, ne faudrait-il pas conseiller la constitution d’une société ? Mme Faroudja Aït-Ahmed, maître de conférences à l'université de Reims Champagne-Ardenne et vice-doyenne, a pu nous dire ce qu’elle en pensait.

2. Une fois qu’elle est née, l’indivision va vivre, plus ou moins longtemps, de manière plus ou moins harmonieuse. Les notaires sont bien placés pour le savoir. Plus sa durée de vie sera longue, plus les comptes à établir entre indivisaires risquent d'être importants, voire délicats à réaliser. C’est ce que nous a confirmé Me Stéphane David, notaire à Meudon et maître de conférences à l’université Paris Est, illustration parfaite de la synthèse favorisée par l'ARNU.

3. Et, tôt ou tard, il faudra que cette situation d’indivision prenne fin. Nous le savons, il n’y a pas qu’une façon de sortir de cette situation de propriété collective. C'est la solution de la vente que M. Barthélémy Barthelet, conseil en gestion de patrimoine et ancien consultant au CRIDON de Lyon, a évoquée, avec ses tenants et aboutissants. Qu’il soit amiable ou judiciaire, ainsi que le propos de Me Jacques Combret, notaire honoraire, nous l'a rappelé, le partage peut présenter des degrés de difficulté très différents. Le partage judiciaire a été réformé assez récemment, mais ses arcanes ne sont pas forcément bien connus des notaires et autres praticiens.

Ce colloque a donc été l’occasion pour nous tous de rafraîchir des connaissances que nous pensions peut-être bien établies. Mais sommes-nous si sûrs que cela ? Savons-nous tous déjà quel est le véritable domaine d’application de l’indivision ? Au Defrénois du 7 mars dernier, les professeurs Bernard Vareille et Annie Chamoulaud-Trapiers, dans leur chronique consacrée à l’indivision, ont évoqué un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, du 19 décembre 2018, énonçant le principe selon lequel il n’y a pas d’indivision en présence d’une communauté universelle avec attribution intégrale au survivant, l’avantage matrimonial étant réductible en valeur (Defrénois 7 mars 2019, n° 146m1, p. 31).

Nous avons ainsi pu revisiter lors de cette 9e Rencontre nos fondamentaux, grâce à nos intervenants.

Pourquoi n’irions-nous pas jusqu’à changer notre regard sur l’indivision, en particulier lorsqu’elle est organisée ? Songeons-nous aussi souvent que cela le mériterait à la mise en place de conventions d’indivision ? Me Éliane Frémeaux, notaire honoraire, a su nous convaincre de davantage opter pour ce type de solution juridique, quitte à faire concurrence, loyale bien entendu, aux solutions sociétaires que Mme Aït-Ahmed a pu nous proposer d’adopter.

Enfin, c'est sous les ors de la salle des fêtes de l'Hôtel de ville et accueillis par son maire Arnaud Robinet que cette belle journée s'achevait par la cérémonie de remise des diplômes aux étudiants du master 2 droit notarial et de la licence professionnelle métiers du notariat.

Eléna Picart

Eléna Picart

Eléna Picart

Rédaction Lextenso, Jean-Louis Landes, notaire à Châlons-en-Champagne

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