Le groupe de travail relatif à la réserve héréditaire a remis son rapport à la ministre de la Justice, garde des Sceaux, le 13 décembre dernier. Sous la double direction de Cécile Pérès, professeur de droit privé à l’université Panthéon-Assas (Paris 2), et de Philippe Potentier, notaire à Louviers, président de l’Institut d’études juridiques du Conseil supérieur du notariat, le groupe de travail avait pour mission de dresser un état des lieux et d’envisager de possibles évolutions de la réserve héréditaire. Le rapport comprend 54 propositions.
Qui faisait partie de ce groupe de travail et comment avez-vous procédé ?
C. Pérès et P. Potentier. Le groupe de travail était composé de Nathalie Baillon-Wirtz, maître de conférences à l’université de Reims, Sophie Gaudemet, professeur à l’université Panthéon-Assas, Sara Godechot-Patris, professeur à l’université de Créteil, et Marc Nicod, professeur à l’université de Toulouse.
Nous avons inscrit notre réflexion dans une démarche pluridisciplinaire en procédant à des auditions non seulement de juristes mais aussi de philosophes, de sociologues, d’historiens, de psychologues, d’économistes ainsi que de représentants de milieux philanthropiques. Nous avons consulté des juristes – universitaires et praticiens – non seulement français mais aussi étrangers. Une quarantaine d’auditions ont été menées.
Le rapport procède d’un travail véritablement collectif.
Certains demandent l’abandon de la réserve héréditaire. Quelle est la position du groupe de travail ?
C. P. - P. P. La réserve héréditaire des descendants doit être maintenue et son principe fermement réaffirmé. Ses fondements demeurent aussi solides que parfaitement actuels dans la société contemporaine. Supprimer la réserve supposerait au demeurant de la remplacer par d’autres instruments juridiques dont les fondements rompraient avec des valeurs ancrées dans notre pays – notamment l’égalité entre les enfants – et dont les inconvénients ne seraient pas négligeables, comme le montrent les droits de common law.
Il en va autrement de la réserve héréditaire du conjoint survivant. Cet outil n’est pas adapté aux besoins du conjoint ; ses fondements propres sont bien difficiles à identifier au regard de ce qu’est aujourd’hui le mariage. Aussi le rapport propose-t-il, tout en envisageant une amélioration des droits sur le logement, de supprimer la réserve héréditaire du conjoint survivant.
Quelles sont les principales propositions d’évolution du droit positif ?
C. P. - P. P. S’il souhaitait accroître la liberté de disposer, le législateur pourrait augmenter le taux de la quotité disponible en limitant à deux branches le montant de la réserve héréditaire au lieu de trois aujourd’hui. La réserve héréditaire serait ainsi de la moitié de la succession en présence d’un enfant et des deux tiers en présence de deux enfants ou plus.
Le rapport propose d’améliorer les règles relatives aux ascendants, notamment en reconnaissant aux père et mère dans le besoin une créance alimentaire et en supprimant le droit de retour légal de l’article 738-2 du Code civil.
Il recommande de faire évoluer la renonciation anticipée à l’action en réduction des libéralités excessives vers un véritable pacte de famille propre à favoriser une succession plus contractuelle, davantage négociée qu’imposée.
Des pistes d’ajustement sont encore évoquées à propos des donations attribuant des droits indivis, des donations-partages, des libéralités graduelles et résiduelles ainsi qu’au sujet de la sanction des atteintes à la réserve héréditaire.
Et qu’en est-il de la philanthropie ?
C. P. - P. P. Ceux qui disposent gratuitement de leurs biens au profit d’œuvres philanthropiques le font généralement soit parce qu’ils n’ont pas de descendant, soit dans des proportions qui sont nettement inférieures à la quotité disponible actuelle.
Il ne nous semble donc ni nécessaire, ni opportun d’introduire un régime de faveur au profit des libéralités philanthropiques. Les propositions générales faites par le groupe de travail sont de nature à répondre pour l’essentiel aux préoccupations des milieux philanthropiques tout en respectant la généralité de la loi civile.
Rédaction Lextenso