Me Christine Dechaumont a été récemment été nommée présidente de la chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Toulouse.
Première femme à la tête de cette chambre interdépartementale, elle revient pour nous sur les principaux axes de son action.
Vous avez un parcours atypique. Pouvez-vous nous le présenter en nous précisant comment il a influencé votre programme ?
C. Dechaumont. Mon parcours professionnel est effectivement atypique dans la mesure où après une cléricature classique en office, j’ai exercé pendant quelques années en tant que consultante en fiscalité professionnelle au CRIDON Sud-Ouest, avant de m’installer notaire associé à Albi (Tarn) dans un office qui doit être dans la médiane de la profession (4 notaires associés, un notaire salarié et une douzaine de collaborateurs ayant une activité notariale classique : immobilier, droit de la famille, droit des sociétés).
Évidemment, l’expérience au CRIDON, outre la compétence acquise sur la matière que je traitais, m’a offert une formation exceptionnelle dans tous les domaines de notre activité en me permettant de côtoyer des juristes de très grande qualité. Pouvoir se nourrir au quotidien de la réflexion de Jean-Pierre Sénéchal, Michel Arrault, Jean-Luc Puygauthier ou Philippe Delmas Saint-Hilaire – et je ne peux les citer tous (ils me pardonneront, je l’espère) – a constitué une opportunité incontestable dans mon parcours.
Au-delà du savoir, cela m’a permis d’acquérir une méthode de réflexion, d’analyse et de rédaction qui me sert toujours aujourd’hui.
J’ai une grande admiration pour le travail intellectuel remarquable et difficile que les consultants effectuent au service de notre profession.
Cela étant, ma formation universitaire me destinait à être notaire et mon passage au CRIDON ne m’a pas conduit à renoncer à cette volonté qui était mûrement réfléchie.
Notre fonction allie une technicité dans des matières juridiques variées et une dimension humaine forte, tant dans le rapport à notre clientèle que dans le management de nos équipes ; ces deux aspects étaient et restent au cœur de ma motivation.
Le programme que j’entends mettre en œuvre pendant ma présidence est bien entendu nourri de mon expérience professionnelle et de ma vision de la profession.
Nous sommes des juristes très particuliers dans la mesure où nous délivrons l’authenticité à nos actes, des juristes de qualité au service et à l’écoute de nos concitoyens, et enfin pleinement des chefs d’entreprise mais avec des obligations particulières liées à notre statut d’officier public.
Sur l’ensemble de ces notions j’ai bâti le travail de la chambre des notaires de la cour d’appel de Toulouse pour les deux prochaines années :
promouvoir et expliquer la notion d’authenticité ;
intégrer pleinement nos jeunes confrères dans la profession ;
faire rayonner l’action de notre chambre sur les quatre départements qui la composent (Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne).
Pourquoi et par quels moyens avez-vous voulu faire des jeunes notaires une priorité ?
C. D. Il ne s’agit pas seulement de nos jeunes confrères pour lesquels j’entends que la chambre soit un modèle d’intégration. Je souhaite intégrer largement nos collaborateurs et également susciter des vocations chez les étudiants et les plus jeunes encore pour l’ensemble des métiers du notariat.
Cependant nos jeunes confrères sont au centre de mon action.
Notre profession est ancienne, très structurée du fait de notre statut et a toujours été unie. Ce qui fait et fera sa force. Il est indispensable de maintenir cette valeur d’unité.
La loi Croissance a largement ouvert notre profession aux jeunes (particulièrement aux femmes, d’ailleurs). Si l’on ne peut que regretter le mode tout à fait ubuesque de nomination par tirage au sort, injuste et déconnecté de toute notion de mérite, il faut reconnaître que l’accès à l’installation restait largement à parfaire.
Néanmoins, nous ne referons pas le passé ; il faut en conséquence consacrer notre énergie sur l’avenir. J’espère en cela que la réforme de la formation sera un système abouti d’obtention du diplôme sur une véritable notion d’excellence, ce qui conditionnera l’installation de nos confrères sur des bases plus saines et plus claires.
L’idée de transmission est très présente dans notre métier et est essentielle pour moi (et pas uniquement dans le domaine professionnel).
Dans un contexte où notre profession connaît une petite révolution, à la fois par le nombre de notaires mais aussi par la modification de nos structures d’exercice (multi-offices, structures interprofessionnelles notamment), il me semble indispensable de transmettre aux jeunes confrères de notre profession les valeurs qui l’ont animée depuis toujours et qui contribuent à son unité.
Pour exemple, notre notion déontologique de « délicatesse », qui peut paraître désuète dans la société actuelle, me paraît au contraire devoir être promue comme condition essentielle de l’unité, tout autant que notre mission de service public doit être parfaitement épousée par tous.
Au-delà de nos diversités d’exercice (petites ou grosses structures, offices urbains ou ruraux, spécialisés ou généralistes), nos valeurs, liées à notre mission de service public, nous obligent et nous rassemblent.
C’est dans cet esprit que j’ai initié à la chambre de Toulouse la création du « Cercle des jeunes notaires ». Une quinzaine de jeunes notaires, à parité, issus de nos quatre départements, jeunes créateurs, notaires individuels ou notaires associés. Ils sont réunis dans une association qui fonctionne pleinement avec une présidente, un secrétaire, un trésorier.
L’enjeu est certes une transmission de valeurs, mais également de nous nourrir de leur vision de la profession et d’être un laboratoire d’idées au service du notariat et de sa promotion. La tradition alliée à la modernité en quelque sorte. J’espère également susciter chez eux une envie de s’investir dans les instances de la profession.
Notre gestion verticale de la profession, du CSN vers nos chambres, de nos chambres vers nos confrères, qui a prouvé son efficacité, peut à mon sens être utilement complétée, localement, par une gestion plus horizontale et plus souple gage de modernité et de richesse.
Le Cercle des jeunes notaires a vocation à être pérenne et à faire lien entre les générations. Plus connectés et adaptés aux réseaux modernes, nous avons à apprendre d’eux, en matière de communication notamment.
Concrètement, ils seront, par exemple, un des relais de la très prochaine campagne de communication organisée par notre chambre sur les métiers du notariat.
Notre campagne sera transversale, incarnée par de jeunes collaborateurs issus des offices de nos quatre départements, portée pour partie par le Cercle des jeunes notaires et à destination des jeunes qui s’orientent.
Quel message souhaiteriez-vous particulièrement transmettre à nos lecteurs ?
C. D. Je crois profondément à l’utilité de notre profession, particulièrement dans la société actuelle.
Garant de la sécurité juridique, disposant d’outils numériques résolument modernes, socialement utile en garantissant l’accès au droit pour tous et doté d’une qualité d’écoute assez peu présente dans notre société, le notaire me paraît être indispensable, porteur de stabilité dans une société en pleine mouvance.
(Propos recueillis par Liliane Ricco)
Rédaction Lextenso