Les propositions du 118 e congrès des notaires de France pour promouvoir l'ingénierie notariale

Ref : Defrénois 22 sept. 2022, n° DEF210a2, p. 5

L’équipe du 118e congrès des notaires de France a présenté à la presse, ce mardi 20 septembre 2022, ses propositions afin d’anticiper, conseiller et pacifier pour une société harmonieuse.

Du 12 au 14 octobre prochain, à Marseille, elles seront débattues et soumises au vote avec l'ambition de permettre à chacun de développer et sécuriser des solutions « sur-mesure », adaptées aux problématiques des concitoyens, tant en matière immobilière, que dans la vie de leur entreprise ou de leur famille.

Face à une société de plus en plus inquiète de son avenir et méfiante envers son présent, il est utile, voire nécessaire, d’anticiper davantage afin de judiciariser. Il faut donc prévoir afin de parvenir à ce juste équilibre entre vendeur et acquéreur, entre associés d’une entreprise, au sein du couple quel que soit le mode de conjugalité, ainsi qu’entre héritiers et membres de la famille.

L'invitation est donc lancée par Me Thierry Delesalle, président du 118e congrès, et Me Alexandre Thurel, son rapporteur général : « Le notaire est ingénieur, créateur de droit, conseiller, rédacteur de la volonté des parties, bâtisseur d’un contrat qui doit poursuivre un but unique : anéantir, autant que possible, tout risque de contentieux et de mésentente entre les parties ». En voici les propositions.

1re commission : L'ingénierie notariale au service du projet immobilier

Proposition 1 – Vente d'immeuble et définition de la notion de professionnel

À ce jour, le législateur n’a pas défini les notions de professionnel et de non-professionnel de la vente d’immeuble.

Pire encore, un même terme peut désigner deux choses différentes.

À titre d’exemple, le « non-professionnel » peut être une personne morale au sens du Code de la consommation, et une personne physique au sens du Code de la construction et de l’habitation.

Il est donc temps de proposer une définition claire de cette notion tant il est crucial de qualifier précisément la qualité des parties, de distinguer un professionnel d’un non-professionnel, l’erreur de qualification étant source d’un contentieux nourri susceptible de remettre en cause la validité même des contrats.

Le 118e congrès des notaires de France propose de porter les définitions suivantes en créant deux nouveaux articles du Code civil :

Article 1582-1 du Code civil : « En matière de vente immobilière, la qualité d’acheteur ou de vendeur professionnel est reconnue à celui qui se livre à titre habituel à des opérations d’achat ou de vente de biens immobiliers. »

Article 1645-1 du Code civil : « Le vendeur professionnel au sens de l’article 1582-1 est présumé connaître les vices de la chose.

Est également présumé connaître les vices de la chose, le vendeur disposant des compétences techniques lui permettant de les déceler.

En matière de vente immobilière, le vendeur est également présumé connaître les vices de la chose se rapportant aux travaux qu’il a lui-même réalisés. Le vendeur pourra néanmoins s’exonérer de la garantie des vices cachés correspondante pour autant qu’il ait informé l’acquéreur de la nature des travaux réalisés. Cette information devra être délivrée au plus tard lors de la signature de toute promesse de vente ou, à défaut, lors de la signature de l’acte de vente. »

Proposition 2 – Vente d'immeuble et installations classées - Pour une prise en compte de la qualité du vendeur

L’article L 514-20 du Code de l’environnement prévoit que lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur. Il doit également l’informer, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de cette exploitation.

Cette obligation d’information pose le problème de la responsabilité du vendeur non-exploitant ou non-professionnel qui, de bonne foi, ignore le passé industriel de l’immeuble ou l’existence de cette installation.

Est-ce à lui de porter le risque financier de la remise en état, alors même qu’il ne dispose probablement pas des moyens financiers pour y faire face ? Et ce, alors même que la loi fait reposer cette charge sur l’exploitant du site industriel.

L’ampleur potentielle des risques tant juridiques que financiers pour le vendeur nous pousse en conséquence à nous interroger sur une amélioration de ce dispositif.

Le 118e congrès des notaires de France propose de distinguer, dans le cadre des obligations d’information dont tout vendeur est débiteur au titre de l’article L. 514-20, alinéa 1er, du Code de l’environnement :

  • d’une part, le vendeur exploitant ou le vendeur professionnel, lesquels doivent rester soumis à une obligation de résultat ;

  • d’autre part, le vendeur ni exploitant ni professionnel, qui ne devrait être soumis qu’à une obligation de moyens, tout au moins en ce qui concerne la période précédant sa détention.

Ancienne rédaction :

« Lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; il l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation.

Si le vendeur est l'exploitant de l'installation, il indique également par écrit à l'acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L'acte de vente atteste de l'accomplissement de cette formalité.

À défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, l'acheteur a le choix de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente. »

Nouvelle rédaction :

« Lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur. Lorsque le vendeur n'est pas un professionnel au sens de l'article 1582-1 du Code civil, cette obligation d'information ne porte que sur les installations dont il a connaissance et celles qui sont recensées dans les bases de données publiques accessibles au jour de la vente.

(…). »

Proposition 3 – La prise en compte de la qualité de l'acquéreur en vente en l'état futur d'achèvement (VEFA)

La vente d’une chose non construite emporte son lot d’aléas et de risques pour le vendeur mais surtout pour l’acquéreur : risque de faillite du promoteur, risque de retard dans la livraison, risque de malfaçon, mais aussi risque de sinistre.

La loi du 3 janvier 1967, issue des travaux du 63e congrès des notaires de France, a souhaité protéger l’acquéreur sur plan d’un immeuble à usage d’habitation, en créant un secteur protégé avec un régime juridique encadré et d’ordre public.

Les textes applicables en matière de VEFA ne tiennent pas compte de la qualité réelle de l’acquéreur, et se bornent à apprécier la nature du bien acquis : le contrat de vente relève nécessairement du secteur protégé dès lors que le bien acquis est à usage d’habitation, et peu importe son mode d'occupation, qu'il soit destiné à la résidence principale ou à la résidence secondaire, qu'il constitue la résidence personnelle de l'acquéreur, soit loué à un locataire ou à une société d’exploitation type « résidence services », soit occupé à titre gratuit, ou encore, qu’il reste vide dans l'attente d'une occupation quelconque.

Seul l’usage objectif des biens à construire est apprécié, ce qui est paradoxal puisque, ce faisant, certains acquéreurs professionnels de l’investissement immobilier bénéficient d’une protection destinée initialement aux acquéreurs non-professionnels et sont tenus de procéder à la signature de VEFA répondant aux contraintes du secteur protégé.

Au-delà de cette surprotection qui peut surprendre, cette situation génère indéniablement des difficultés au stade de la négociation et de la signature de ces actes de vente.

Le 118e congrès des notaires de France propose d’ajouter aux critères permettant de distinguer les champs d’application respectifs du secteur libre et du secteur protégé, un critère se rapportant à la qualité de l’acquéreur en VEFA.

Ce critère pourrait utilement renvoyer à la notion de professionnel de l’immobilier dont la définition a été suggérée dans la proposition intitulée « Vente d’immeuble et définition de la notion de professionnel » visant à la création d’un nouvel article 1582-1 du Code civil.

Un renvoi à la notion de consommateur avait déjà été envisagé par le législateur dans le cadre des discussions sur la loi ELAN. Cette modification a été opportunément retirée car elle ne portait que sur le contrat de VEFA. Dans un souci de cohérence, cette modification devrait porter à la fois sur le contrat de VEFA (la matrice des contrats de construction) mais également sur les autres contrats de promotion.

Le texte devant être modifié est :

Article L. 261-10 du CCH

Ancienne rédaction :

« Tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation et comportant l'obligation pour l'acheteur d'effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l'achèvement de la construction doit, à peine de nullité, revêtir la forme de l'un des contrats prévus aux articles 1601-2 et 1601-3 du Code civil, reproduits aux articles L. 261-2 et L. 261-3 du présent code. Il doit, en outre, être conforme aux dispositions des articles L. 261-11 à L. 261-14 ci-dessous. »

Nouvelle rédaction :

« Tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation et comportant l'obligation, pour un acheteur qui n’est pas un professionnel de l’immobilier au sens de l’article 1582-1 du Code civil, d'effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l'achèvement de la construction doit, à peine de nullité, revêtir la forme de l'un des contrats prévus aux articles 1601-2 et 1601-3 du Code civil, reproduits aux articles L. 261-2 et L. 261-3 du présent code. Il doit, en outre, être conforme aux dispositions des articles L. 261-11 à L. 261-14 ci-dessous.»

Proposition 4 – D'une vente immobilière consensuelle à une vente solennelle

En France, les contrats sont par principe consensuels et se forment par le seul échange des consentements quel qu'en soit le mode d'expression. Il en est ainsi du contrat de vente d’immeuble.

Ainsi, dès l’accord sur la chose et sur le prix, le contrat de vente d’immeuble est parfait, quelle que soit la formalisation de cet accord. L’application du principe du consensualisme au contrat de vente d’immeuble est au mieux incohérent, et au pire dangereux.

Risque de contentieux. Les modalités de formation du contrat de vente ne sont pas maîtrisées. Le contrat risque d’être formé avant que l’une des parties en soit réellement consciente et prête. Cela entraîne un risque de contentieux important.

Incohérence/confrontation avec le formalisme des législations de protection. De multiples législations de protection (notamment du consommateur immobilier) sont venues ajouter des contraintes formelles ces dernières années. Elles s’opposent parfois au principe du consensualisme (loi SRU, loi Carrez…).

Le bien immobilier n’étant pas un bien comme les autres, un traitement spécifique doit lui être réservé : « Dans les idées les plus profondes de l’humanité, la terre n’est pas un bien comme les autres. Sa propriété est moins privative : son aliénation est moins libre ; sa vente ne peut pas être affaire courante entre deux individus. » (Doyen Carbonnier).

La solution est donc simple : il convient de solenniser le contrat de vente d’immeuble.

Le 118e congrès des notaires de France propose de solenniser le contrat de vente d’immeuble. À cet effet, les textes devant être modifiés sont :

Article 1582 du Code civil

Ancienne rédaction : « La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé. »

Nouvelle rédaction : « La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. »

Article 1583 du Code civil

Ancienne rédaction :

« Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. »

Nouvelle rédaction :

Article 1583 (sans changement) : « Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. »

Article 1583-1 : « Par exception, la vente d’un immeuble doit être constatée par acte authentique à peine de nullité. Cette nullité ne peut être invoquée que par l’une des parties au contrat. La violation d’un engagement de vendre ou d’acheter non constaté par acte authentique ne peut donner lieu qu’à l’octroi de dommages et intérêts. »

2e commission : L’ingénierie notariale au service du projet de l’entreprise

Proposition 1 – Pour une nouvelle forme de société : la société libre

L’entreprise révèle, sans discontinuer, son utilité sociale et sa vocation d’intérêt général.

Au-delà de fournir des produits et services dont nous avons tous besoin, au-delà d’être un acteur primordial de notre vie en société, qui nous permet de faire société en agrégeant les talents de toute ses parties prenantes, notamment ses salariés, les fournisseurs, les clients, les financeurs, en créant un écosystème de confiance, l’entreprise contribue indéniablement au bien commun.

Favoriser la création, le développement, la transmission d’entreprises est une nécessité absolue, et le notariat doit évidemment y apporter une contribution majeure.

Effectuer un choix, conseiller un choix, un tant soit peu durable pour une TPE ou une PME, entre les deux types de structure, est devenu cornélien.

SARL / SAS : aucune de ces structures n’est en mesure de remplir la totalité des objectifs attendus par une société :

  • d’un côté, il y a des contraintes légales imposées aux SARL qui peuvent souvent enfermer les projets entrepreneuriaux ;

  • d’un autre côté, il y a la liberté quasi infinie réservée aux SAS qui peut aussi présenter un risque pour le fondateur peu averti ou l’investisseur un peu trop crédule.

L’entrepreneur fait donc des choix, souvent inconsciemment, pour une raison temporaire, de pure opportunité. Pourquoi ne pas permettre aux TPE et PME d’avoir un seul modèle de statuts, sécurisé, simple et souple ? Pourquoi ne pas permettre aussi aux rédacteurs de statuts d’avoir un peu plus de liberté et ainsi développer l’ingénierie juridique quand cela devient nécessaire ?

Le 118e congrès des notaires de France propose l’institution d’une nouvelle forme sociale : la société libre.

La société libre est un outil innovant, à disposition des TPE, PME, ETI et grands groupes.

Libre d’entreprendre dans un cadre protecteur.

Libre d’entreprendre dans un cadre adapté.

Un outil simple, souple et de confiance.

Proposition 2 – Pour une harmonisation du régime juridique des « droits sociaux » non cotés

Un époux marié sous le régime de la communauté de bien réduite aux acquêts (régime légal en France) peut employer librement les fonds communs à l’effet notamment :

  • d’acquérir un bien immobilier ;

  • d’acquérir un fonds de commerce ;

  • de souscrire un contrat d’assurance-vie investi notamment en actions ;

  • d’investir dans tout produit financier.

Mais il ne peut en aucun cas souscrire seul au capital social d’une société non cotée (SARL ou société civile). À l’inverse il peut investir librement dans toute société anonyme ou SAS de son choix !

Cette incohérence entraîne les époux ou leurs conseils à faire des choix contestables quant à la forme juridique de la société lors de sa constitution.

Une autre conséquence est la différence de traitement lors de la constitution, la donation mais aussi la cession des titres d’une société non cotée, les règles applicables n'étant pas les mêmes selon le régime matrimonial adopté.

Il convient désormais de considérer les titres d’une société non cotée (parts sociales de société civile, de société à responsabilité limitée) comme un actif lambda, et de supprimer toute distinction entre droits sociaux négociables (action de société anonyme, de SAS) et droits sociaux non négociables.

Les raisons qui avaient motivé la création de cette distinction ont aujourd’hui disparu et il devient nécessaire de permettre à l’ingénierie notariale de s’exprimer pleinement afin de conseiller les époux de façon pertinente.

Le 118e congrès des notaires de France propose :

1°) Une abrogation de l’article 1832-2 du Code civil en contrepartie :

  • de la possibilité pour des époux communs en biens de transférer à tout moment la qualité d’associé entre eux dans le respect du pacte statutaire ;

  • de l’extension de l’article 1424 du Code civil à tous les titres de société non cotés.

2°) Une reconnaissance expresse de la distinction entre le titre et la finance pour tous les titres de société non admis sur un marché réglementé de cotation, quelle que soit leur nature (droits sociaux négociables et droits sociaux non négociables).

Proposition 3 – Pour la création d'un certificat de conformité juridique et éthique

Le contexte dans lequel évoluent nos entreprises a connu une profonde mutation ces dernières années avec notamment l’émergence de nouvelles obligations de transparence, de conformité et de loyauté, assorties de sanctions judiciaires et financières.

À ces enjeux s’est ajoutée en 2019, aux termes de la loi PACTE, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Une entreprise qui pratique la RSE va donc chercher à avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable. À cet effet, elle va organiser son périmètre d’intervention autour de thématiques centrales telles que la gouvernance, les droits de l’Homme, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les questions relatives aux consommateurs, ou encore les communautés et le développement local.

Or toute la difficulté pour l’entreprise, au-delà même de mettre en place et de financer ces procédures internes, est d’en retirer une plus-value et de faire valoir ce « plus » auprès de ses partenaires commerciaux et financiers, de s’inscrire dans une chaîne de valeur.

Il devient alors nécessaire d’établir des audits afin de démontrer que la société et son activité ne présentent pas de défectuosité juridique. Mais ces audits sont ponctuels et à usage unique.

Notre proposition consiste à doter l’entreprise d’un outil lui permettant de valoriser ses actions et ses investissements sur le terrain de la conformité et de le faire savoir. Ce nouvel outil, c’est ce que nous appelons le certificat de conformité juridique et éthique. Il permettra à l’entreprise de démontrer qu’elle est, sur le plan juridique, régulièrement constituée, qu’elle fonctionne régulièrement, qu’elle a mis en place des procédures internes pour atteindre des objectifs de transparence, de conformité, de loyauté et qu’elle remplit de la sorte son devoir de vigilance et ses obligations RSE.

Le 118e congrès des notaires de France propose :

La création d’un examen de conformité juridique et éthique, défini par le législateur comme étant une « prestation contractuelle au titre de laquelle un professionnel, exerçant une profession réglementée, s’engage en toute indépendance, à la demande d’une entreprise, à se prononcer sur la conformité aux règles juridiques et éthiques des points prévus dans un chemin d’audit et selon un cahier des charges. »

Le contenu de ce certificat, valable trois ans, pourra librement être diffusé par l’entreprise dans le cadre de son activité.

Proposition 4 – Pour une réforme du fonds de pérennité

De plus en plus souvent le propriétaire d’une entreprise, quelle que soit la taille de celle-ci, souhaite que la richesse créée puisse servir des causes philanthropiques. Deux types de véhicule philanthropique s’offrent à lui pour mettre en œuvre sa volonté et développer des actions de nature désintéressée :

  • le premier, la création d’une fondation reconnue d’utilité publique ou d’un fonds de dotation, suppose d’abandonner le contrôle et l’animation de leur participation et semble inapproprié notamment en ce qu’il ne protège pas le capital social de l’entreprise qui continue d’appartenir à des personnes (physiques ou morales) ;

  • le second consiste, pour le chef d’entreprise, à apporter tout ou partie des titres de sa société à un fonds de pérennité, fonds créé par la loi PACTE du 22 mai 2019. Cette « fondation actionnaire » permet de contrôler et d’animer sa participation tout en exerçant, le cas échéant une activité caritative.

Le régime juridique et fiscal du fonds de pérennité a été conçu dans l’idée que les fondateurs seraient des personnes physiques. Mais il s’avère, en pratique, que la plupart des fondateurs potentiels détiennent leurs participations via des holdings patrimoniales.

Il est donc à craindre que le fonds de pérennité ne rencontre pas son public.

L’hésitation des entreprises à choisir ce cadre est due essentiellement à une fiscalité jugée rédhibitoire générant un manque d’intérêt face aux autres « véhicules philanthropiques ».

Le 118e congrès des notaires de France propose :

1°) Que le fonds de pérennité puisse être créé tant par une personne physique que par une personne morale ;

2°) Qu’il soit présumé qu’une donation de titres à un fonds de pérennité par une société soit conforme à l’intérêt social de la société pour éviter toute incertitude sur le risque d’acte anormal de gestion ;

3°) Qu’au plan fiscal, la transmission d’actifs au fonds de pérennité soit neutre et notamment :

  • que les plus-values réalisées par les personnes morales à la suite de l’apport de titres de société à un fonds de pérennité, en cours de vie du fonds de pérennité, bénéficient d’un sursis d’imposition (comme le sont déjà les plus-values constatées lors d’un apport réalisé au moment de la dotation) ;

  • que les dotations sous forme d’apport à titre gratuit d’autres biens que des titres de capital ou de parts sociales ne constatent pas de plus-value taxable ;

  • que le pacte Dutreil trouve à s’appliquer aux donateurs personnes morales.

3e commission : L’ingénierie notariale au service des familles

Proposition 1 – La création d'un nouveau régime d'information pour les futurs époux : le certificat prénuptial

Chaque couple marié se voit appliquer le régime matrimonial légal, s’il n’a pas effectué un autre choix (C. civ., art. 1387).

Ces dispositions sont d’origine légale, mais pour autant, restent méconnues. En réalité, les époux ne connaissent que très peu leur régime matrimonial et cette ignorance est souvent la cause du désaccord qui peut survenir au cours d’un divorce. Elle peut s’expliquer :

  • par la complexité grandissante du régime légal, dont une partie des règles trouve aujourd’hui sa source dans l’abondante jurisprudence ;

  • mais au-delà de ces règles jurisprudentielles, nous constatons que même les règles de base du fonctionnement du régime légal sont peu maîtrisées.

Les époux vivent sans se soucier des biens, des revenus, de leur sort, et décident, par un silence implicite, de régler les comptes après leur vie commune. Et c’est quand les comptes sont effectués, que les époux découvrent rétrospectivement que ce régime matrimonial les a accompagnés toute leur vie.

La communauté ne doit plus se révéler au divorce mais bien au début de l’union ! Il en est de même des régimes conventionnels.

Des solutions pour y remédier ont été avancées mais aucune n’a été retenue jusqu’à présent. Nous pensons qu’une information personnalisée, vivante, concrète, mais aussi plus juridique sera la voie explorée dans les années à venir… à n’en pas douter ! C’est déjà la voie prise par la Cour de cassation qui évoque la nécessité d’une information concrète et circonstanciée.

Le 118e congrès des notaires de France propose de rendre obligatoire une information juridique prénuptiale, délivrée par un notaire.

Pour ce faire, il y a lieu de rajouter quatre nouveaux alinéas à l’article 1387 du Code civil, qui seraient désormais ainsi rédigés :

Article 1387 du Code civil : « La loi ne régit l'association conjugale, quant aux biens, qu'à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent.

Un notaire reçoit simultanément les futurs époux et les informe sur le contenu des différents régimes matrimoniaux.

Cette information est obligatoire et non rémunérée.

Elle a lieu dans l’année précédant le mariage.

Pour les mariages célébrés à l’étranger, lorsque la loi applicable au régime est la loi française par choix des époux, ce certificat pourra être établi à distance par un notaire français. »

Il y aura, également, lieu d’ajouter un tiret à l’article 63, alinéa 2, 1°, du Code civil, qui contient l’énumération des pièces à remettre à l’officier d’état civil, en vue de la publication des bans, et qui serait désormais, ainsi rédigé :

« (…)

- un certificat établi par un notaire, attestant, à l’exclusion de toute autre indication, que les intéressés ont été reçus dans le cadre de l’information obligatoire prévue au second alinéa de l’article 1387 du présent code ;

2° (…) ».

Proposition 2 – Sécuriser la détermination de la prestation compensatoire

Si le mariage permet juridiquement d’assurer aux époux la compensation d’une éventuelle distorsion de revenus, sa rupture peut entraîner pour l’un d’eux des difficultés économiques.

Or après un divorce financièrement douloureux, qui aura été source de conflit et de contentieux, les Français, en famille recomposées (9 % des familles françaises et représentant quelques 800 000 couples en 2021) rechignent à se remarier. Quelles en sont les raisons ?

L’une d’entre elles réside dans la fixation du montant de la prestation compensatoire qui reste, à ce jour, une source d’aléa pour les époux, ce qui ne favorise pas la promotion du mariage et surtout du remariage d’un débiteur trop lourdement pénalisé lors d’un premier divorce.

Ces couples restent en union libre ou se pacsent et se privent, parallèlement, de pouvoir acquérir en toute quiétude un patrimoine, notamment immobilier, et d’envisager une protection adaptée en cas de décès. Ces situations sont sources de conflit et de contentieux.

Les constats déjà relevés en 2014 lors du congrès des notaires de France sont aujourd’hui les mêmes et nous sommes bien embarrassés devant le concitoyen qui s’interroge sur le montant de la prestation qu’il peut espérer obtenir ou au contraire qu’il risque d’avoir à verser.

Que lui répondre ? Que cela dépend du tribunal, que cela dépend du juge voire même de l’avocat qu’il va choisir ? Qu’est ce qui peut paraître plus difficile à accepter pour les parties ? Une condamnation à verser ou à recevoir une prestation compensatoire trop élevée ou insuffisante selon qu’on est débiteur ou créancier ou le constat qu’à données équivalentes, le traitement judiciaire a été différent d’un citoyen à l’autre ?

L’aléa juridique et économique n’est pas acceptable dans une société moderne où on doit privilégier la sécurité juridique, l’équité et la paix des familles. Il faut donc en 2022 faire évoluer la prestation compensatoire.

Le 118e congrès des notaires de France propose que faute d’accord des parties sur le montant de la prestation compensatoire, le juge, saisi d’une demande en divorce, ne se prononce sur le divorce et l’octroi d’une prestation compensatoire que si la liquidation du régime matrimonial est jointe à la requête en divorce.

Les textes devant être modifiés sont :

Article 272 du Code civil

Ancienne rédaction : « Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. »

Nouvelle rédaction : « Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire par le juge ou par les parties, celles-ci fournissent au juge :

  • une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie ;

  • l’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu'il n'y a pas lieu à liquidation.

À défaut d’un accord des parties sur la liquidation de leur régime matrimonial, le juge, conformément à l’article 255-10, désignera un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation.

Dans le cadre d’une demande de révision de la prestation compensatoire, seule la déclaration sur l’honneur est fournie au juge. »

Article 1075-1 du Code de procédure civile

Ancienne rédaction : « Lorsqu'une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, chaque époux produit la déclaration sur l'honneur mentionnée à l’article 272 du Code civil. »

Nouvelle rédaction : « Lorsqu'une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, les époux doivent produire, conformément aux mentions de l’article 272 du Code civil :

  • la déclaration sur l'honneur ;

  • l’état liquidatif du régime matrimonial ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation. »

Proposition 3 – Vers une contractualisation de la contribution des époux aux charges du mariage

Les époux sont actuellement concernés par une évolution jurisprudentielle récente sur la contribution aux dépenses de la vie courante.

En pratique, cette évolution jurisprudentielle est fâcheuse, l’époux trop généreux ne pouvant obtenir le remboursement de son surfinancement. La créance entre les époux ne sera alors pas admise. L’insécurité juridique est alors évidente surtout au regard du désarroi de cet époux qui découvrira ces règles uniquement le jour de son divorce.

Le notaire, en qualité de rédacteur du contrat, et le législateur, en qualité de rédacteur de la loi, peuvent mettre fin à cette insécurité juridique.

De cette jurisprudence bien établie, il convient d’inviter le législateur à envisager une modification du Code civil afin de permettre à chaque notaire d’anticiper, conseiller et pacifier la contribution aux charges du mariage :

  • parce que les modalités de contribution aux charges du mariage, bien que relevant du régime primaire, sont supplétives de volonté ;

  • parce que la jurisprudence ne s’est, à ce jour, pas prononcée sur la possibilité de déterminer, conventionnellement, les dépenses qui seraient celles de la contribution aux charges du mariage et celles qui ne seraient pas concernées ;

  • parce que les époux sont les mieux à même d’en fixer les contours ;

  • parce que l’ingénierie notariale au service des régimes matrimoniaux tend vers une convention renforcée.

Le 118e congrès des notaires de France propose de permettre la contractualisation du périmètre des charges du mariage.

Pour ce faire, il y a lieu de rajouter un nouvel alinéa à l’article 214 du Code civil comme suit :

« Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.

Les époux peuvent, dans leur convention matrimoniale, définir les dépenses qui relèvent ou non des charges du mariage.

Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au Code de procédure civile. »

Proposition 4 – Pour une vocation successorale de souche

POUR UNE TRANSMISSION SUCCESSORALE CONCERTÉE AU SEIN DES FAMILLES

Le vieillissement de la population conduit à ce que les héritiers soient désormais d’un âge avancé, quand ils sont amenés à recevoir un héritage provenant de leurs parents.

Dans le même temps, notre pays a une population plus jeune qui ne dispose pas des ressources ou du pouvoir d’achat pour faire face à ses projets : acquisition immobilière, projet d’entreprise…

Le constat est simple, et c’est un enjeu de société : les jeunes générations souffrent d’un manque de pouvoir d’achat, qui leur permettrait d’acheter, d’investir, de créer… alors que les personnes qui sont en fin de carrière professionnelle épargnent de plus en plus (car ils voient leurs charges diminuer, et leur pouvoir d’achat augmenter).

Au demeurant, le niveau élevé d’épargne est un souci majeur pour l’économie : « cela freine la consommation et la demande adressée aux entreprises ».

Ainsi, si les Français décidaient de dépenser 20 % du surcroît d'épargne accumulé pendant la crise de la Covid, la croissance du PIB en 2022 serait supérieure de 1,7 points, selon les économistes de l'OFCE. Il existe, à l’évidence, un décalage entre les besoins de chaque génération, les besoins de l’économie et le moment où désormais on hérite de ses parents.

Faut-il faire circuler le patrimoine plus rapidement, d’une manière ou d’une autre, vers les générations cadettes qui en ont le plus besoin ?

La question est posée. Et la réponse ne peut être que positive.

Aussi, pour ces familles qui n’y ont pas pensé, ou qui n’ont pas osé consulter un notaire, ou pour ces donateurs potentiels qui ne souhaitent pas tout transmettre de leur vivant, il convient d’apporter des solutions.

Il faut permettre aux héritiers de 1er degré, qui le souhaitent, de transmettre plus aisément à leurs propres enfants, ce patrimoine hérité, en organisant des sauts de génération ou des transferts entre souches… ainsi la dernière génération pourra bénéficier par anticipation du patrimoine familial, comme lors d’une transmission transgénérationnelle.

Serait-il possible d’envisager un mécanisme semblable à celui des donations-partages transgénérationnelles aux successions ? En d’autres termes, est-il possible d’inciter à un saut de génération ou à un transfert inter-souche après l’ouverture de la succession ?

Nous pensons que oui, en aménageant les règles de dévolution successorale et d’acceptation successorale. Aussi, nous proposons la création d’une véritable vocation successorale de souche.

Le 118e congrès des notaires de France propose de :

I/ de reconnaître à l’héritier au premier degré, la faculté de décider seul de la quotité qu’il entend retenir dans la succession dont il est saisi. Il peut exercer cette faculté au bénéfice de sa propre souche, le surplus profitant alors aux héritiers de deuxième degré (transmission intra-souche).

S’il n’a pas de descendant, il peut exercer cette faculté au profit des autres souches, le surplus profitant alors aux héritiers de premier degré de ces autres souches (transmission inter-souche).

L’acceptation des héritiers concernés devra intervenir au sein d’un seul et même acte.

Cette divisibilité de l’option ne peut s’exercer que dans la ligne descendante, et dans la ligne des collatéraux privilégiés.

Elle s’accompagne en outre d’une neutralité fiscale.

II/ d’affirmer la place de la souche dans le droit successoral, en retenant désormais le principe selon lequel une succession est dévolue par souche. Dès lors, la représentation successorale devient sans objet.

Proposition transversable

Pour un essor de la fiducie

L’introduction de la fiducie (opération aux termes de laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires) en droit français est intervenue aux termes de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 (publiée au JO du 21 février 2007) et a contribué à renforcer la compétitivité du droit continental à l’international face au trust anglo-saxon, bien que la loi n’y fasse aucune référence.

Pour autant, les limites posées par la loi de 2007 ne favorisent pas son essor.

Quelles sont les raisons de cet insuccès ? La prohibition, à ce jour, de la fiducie-transmission, autrement dénommée fiducie-libéralité, alors qu’il s’agit là d’un très bel outil permettant, notamment, de sauvegarder et de valoriser un patrimoine et de protéger la personne vulnérable ; l’extinction du contrat de la fiducie en cas de décès de son constituant (à l’exception de la fiducie-sûreté) ; le faible nombre d’acteurs pouvant revendiquer la qualité de fiduciaire et, par voie de conséquence, un coût de mise en place encore trop souvent exorbitant pour le constituant.

La fiducie mérite d’être assouplie et promue. Le recours à cette technique contractuelle peut se révéler essentiel dans de multiples domaines et pans de notre économie, et notamment :

  • au service de la gestion des sites et sols pollués ;

  • au service de la compensation environnementale ;

  • comme un moyen de maintenir, de développer l’entreprise et d’orchestrer les prises de participation ;

  • au service de la fiducie-sûreté et le financement de projets ;

  • au service de la protection des personnes vulnérables.

Le professeur Grimaldi, commentant le projet de loi de 2007, avait précisé, au sujet de la fiducie-libéralité, « qu’elle n’ébranlerait pas les principes d’ordre public du droit des successions et des libéralités. »

C’est aussi sur cette piste de réflexion que s’est engagée l’équipe du 118e congrès des notaires de France.

En conséquence, cette dernière propose :

1°) De modifier l’article 2012 du Code civil comme suit : « La fiducie est établie par la loi, par contrat ou par testament authentique. Elle doit être expresse. »

D’abroger l’article 2013 du Code civil qui prohibe, à ce jour, la fiducie motivée par une intention libérale, ainsi que le régime fiscal d’exception qui la sanctionne lourdement.

De modifier le premier alinéa de l’article 2029 du Code civil de telle sorte que le décès du constituant personne physique ne mette pas fin au contrat de fiducie.

D’abroger le second alinéa de l’article 2030 du Code civil qui prévoit le retour du patrimoine fiduciaire à la succession du constituant à son décès.

Le tout, afin de permettre le recours à la fiducie-libéralité entre vifs et par voie testamentaire pour autant qu’elle ait été constituée par acte notarié à peine de nullité.

2°) De modifier l’article 2015 du Code civil en élargissant le corpus de fiduciaires aux notaires et lorsque le but déterminé est à caractère environnemental, aux personnes énoncées à l’article L. 132-3 du Code de l’environnement, pouvant être créancières dans le cadre d’une obligation réelle environnementale.

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