Julie Duthion, rapporteure générale de la 74e session de l'Assemblée de Liaison
La 74e session de l'Assemblée de Liaison des notaires de France étudiera le thème du notaire salarié lors de son prochain congrès annuel qui se tiendra, les 4 et 5 décembre 2023, à la Maison de la Chimie à Paris.
Me Julie Duthion, entourée de son équipe, nous en présente les grands axes.
Comment est né le statut de notaire salarié ?
Le statut de notaire salarié fête cette année ses 30 ans. Il a été créé par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, mis en application par le décret n° 93-82 du 15 janvier 1993.
Ce statut est né du souhait du notariat d’intégrer dans ses rangs une partie des conseils juridiques, dont la profession a été supprimée en 1990. Certains d’entre eux exerçaient sous la forme salariée ; la création de ce nouveau statut de notaire salarié semblait donc un préalable indispensable. Les choses ne se sont finalement pas passées comme prévu et les conseils juridiques ont majoritairement rejoint la profession d’avocat.
La création du notaire salarié poursuivait également les objectifs suivants : offrir une promotion professionnelle aux salariés, diplômés notaires, particulièrement compétents (le statut de clerc principal ayant été supprimé lors de la modification de la convention collective du 8 juin 2001), et/ou permettre des fiançailles avec un futur associé, en l’intégrant progressivement dans ses nouvelles fonctions de notaire et le préparer à sa future qualité de chef d’entreprise.
Dès l’origine, le statut de notaire salarié comportait plusieurs facettes : exercer de façon pérenne la fonction de notaire sous le statut de salarié, se préparer à la fonction de notaire libéral en adoptant transitoirement le statut de notaire salarié, ou encore monter en compétences et en responsabilités.
La loi Croissance (L. n° 2015-990, 6 août 2015) a traversé la profession notariale, qui a dû s’adapter.
La suppression de l’habilitation, cumulée à une hausse temporaire du quota de notaires salariés (le quota était, avant 2015, de 2 notaires salariés pour 1 notaire libéral ; il a été provisoirement augmenté à 4 pour 1, entre 2015 et 2020), a eu pour effet immédiat d’augmenter de façon plus que significative le nombre de notaires salariés : d’environ 1 000 en 2015, ils sont exactement 5 513 au 31 juillet 2023.
Le statut de notaire salarié, dès l’origine protéiforme, est devenu multiforme.
Quelles questions pose ce statut ?
L’Assemblée de Liaison des notaires de France, dont le rôle est d’entendre le notariat et de faire remonter au Conseil supérieur du notariat (CSN) les besoins et demandes de l’ensemble des notaires, a souhaité cette année consacrer ses travaux au statut du notaire salarié et faire un point d’étape, 30 ans après sa création.
Les règles encadrant le notaire salarié ont-elles évolué ?
Les droits, les devoirs, les obligations déontologiques, les responsabilités sont-elles bien connues et acceptées, en conscience, par chacun des protagonistes ?
Quelles sont aujourd’hui les difficultés rencontrées par les notaires, qu’ils exercent sous le statut de libéral ou de salarié ?
En 2023, quels sont les besoins des notaires ? Sont-ils satisfaits ? Que pouvons-nous proposer comme améliorations possibles et souhaitables pour l’ensemble de la profession ?
L’Assemblée de Liaison a confié ce travail à une équipe de 5 notaires, pendant un peu plus d’un an.
Que propose l’Assemblée de Liaison ?
Un clip a été imaginé, permettant de mettre en images les multiples contours de ce statut, les différentes manières de le vivre, avec ou sans épanouissement, des deux côtés de la relation salariale. Ce clip a été diffusé dans presque toutes les cours d’appel, en mai 2023, lors des assemblées générales. Beaucoup de notaires se sont sentis touchés et concernés par ce petit film, par ce sujet qui interpelle chacune et chacun dans son expérience personnelle, dans ses espoirs et dans ses craintes.
Un rapport a été produit, sur le sujet du notaire salarié, dont le sous-titre est : « En(quête) de sens ». Les rapporteurs ont compris qu’il était avant tout nécessaire de revenir sur le statut et ses contours actuels, d’établir un mode d’emploi complet de ce statut, tant à l’usage des employeurs que des salariés.
Ces développements permettent d’aborder la plupart des points de frottements qui ont été constatés, de les traiter par l’explication des règles qui encadrent ce statut. Citons pour exemple la question du quota de notaires salariés, celle de la responsabilité du notaire employé et de son employeur (le commettant en termes assurantiels), de la participation et du droit de vote lors des assemblées générales de compagnies, du lien de subordination et de l’absence d’affectio societatis.
À la lecture du rapport, le notaire ayant pris conscience de ce qu’est le statut de notaire salarié et pouvant ainsi l’assumer en toute lucidité sera amené à réfléchir sur les notions de projet d’entreprise, de raison d’être commune, afin de donner tout son sens à la nomination d’un notaire salarié dans une entreprise notariale, afin que ce statut puisse être vécu de façon satisfaisante et épanouissante pour l’ensemble des parties.
En s’inspirant de l’organisation des autres professions juridiques françaises (avocats, commissaires de justice), des autres professions réglementées françaises (experts-comptables, géomètres, médecins, pharmaciens), des autres notariats européens (belge, allemand, suisse), les rapporteurs imaginent d’autres parcours professionnels que celui du notaire salarié, pour répondre à des besoins spécifiques et précis auxquels ce statut ne répondrait pas de façon satisfaisante : d’autres promotions professionnelles, d’autres modalités pour récompenser et fidéliser des collaborateurs compétents, diplômés notaires ou non, d’autres statuts professionnels. Le but étant que le statut de notaire salarié puisse être utilisé à bon escient, et non à défaut d’une autre option.
Comment s’organisera la prochaine session de l’Assemblée ?
La session annuelle de l’Assemblée de Liaison, les 4 et 5 décembre prochain à Paris, est ouverte à tous les notaires en exercice, qu’ils soient salariés ou libéraux. Ce lieu de libre parole permettra à tous de revenir sur toutes ces questions, sur tous ces enjeux, et de s’exprimer. Les délégués de l’Assemblée de Liaison voteront les propositions qui leur seront présentées, à l’issue de ces échanges, puis les propositions adoptées seront transmises au CSN.
Deux invités marqueront de leur empreinte cette session : Maître Laurent Berthomieux, tout premier notaire salarié de France, qui reviendra sur son parcours et présentera sa vision du statut de notaire salarié, et Madame Manuelle Malot, directrice Carrières et prospectives de l’EDHEC et fondatrice du NewGen Talent Centre, qui nous éclairera sur les aspirations, comportements et compétences des nouvelles générations, pour une meilleure insertion des jeunes diplômés.
Pour vous préinscrire à la 74e session de l'Assemblée de liaison des notaires de France : https://cn047.novius.net/fr/session-annuelle/comment-inscrire.html
Jean-Marc Gourdon
De gauche à droite, Anthony Minacori, Ana Lefort, François Croison, Évelyne Beaume et Julie Duthion.
(Propos recueillis par Liliane Ricco)