Le 4 juin dernier, la Chambre des notaires de Paris a annoncé l'élection de Me Pierre Tarrade à la présidence avec pour devise « Renforcer l'ADN du notariat, préparer l'avenir, s'affirmer au cœur de la cité ! ». Il revient pour nos lecteurs sur les lignes de force de son mandat.
Vous souhaitez d’abord renforcer l’ADN du notariat, et pour cela notamment la confraternité. Comment pensez-vous procéder ?
Quand on parle d’ADN de la profession, on pense naturellement à plusieurs termes qui sont autant de singularités et d’atouts de notre profession.
Au premier chef : la confraternité.
Renforcer la confraternité et améliorer la communication interne au sein de la Compagnie font partie des axes forts de mon mandat.
Il s’agit avant tout de bien accueillir les nouveaux notaires qui entrent au sein de la Compagnie de Paris, de mieux communiquer, de fédérer et renforcer le sentiment d’appartenance des notaires à leur Chambre.
Face à l’enjeu du renouvellement de la population notariale, nous nous devons en tant qu’élus du Bureau de nous doter de moyens afin de maintenir une cohésion au sein de la Compagnie.
Il faut donc s’entraider, s’écouter, être attentif. Il faut toujours plus communiquer.
La confraternité ne doit pas être qu’un vain mot, elle doit s’appliquer sur le terrain, probablement aussi faire partie intégrante de la vie de la Compagnie.
Il s’agit d’un enjeu fort pour notre profession.
Accueillir
Avec le Bureau précédent, nous avons inauguré une nouvelle pratique qui me semble vertueuse en assignant à un membre du Bureau la tâche de mieux faire vivre la confraternité au sein de nos instances.
Au cours du mandat qui s’ouvre et eu égard au nombre de notaires que nous accueillons chaque année, une mission complémentaire a été dévolue au vice-président en charge de la confraternité, celle de l’accueil effectif de tous les nouveaux notaires.
Il nous appartiendra de remettre un certain nombre de documents pratiques favorisant une meilleure intégration au sein de notre Compagnie.
Je souhaite également que ce délégué à la confraternité reçoive les notaires quittant les rangs actifs de la Compagnie et venant notamment symboliquement rendre leur sceau à la Chambre après leur exercice professionnel.
Améliorer la communication interne
Faire mieux adhérer nos confrères aux actions de notre Chambre, c’est également mieux communiquer, expliquer, informer et rendre compte.
Nous avons un chantier à ouvrir pendant mon mandat : celui de l’amélioration de notre communication interne.
Avec le concours de la commission de la communication et la direction de la communication de la Chambre, nous allons ouvrir le chantier de la refonte de notre communication interne.
Un séminaire en fin d’année. La commission va, à ce titre, organiser en fin d’année un séminaire d’une journée pour y réfléchir.
L’objectif ? Rationaliser les supports et rendre plus efficaces et lisibles les contenus et les messages adressés à la Compagnie, notaires et collaborateurs.
Une nouvelle newsletter. Nous avons lancé récemment une newsletter intitulée « En votre Compagnie », adressée à tous les notaires et collaborateurs de la Compagnie une fois par mois. Nouvelle identité, nouvelle ligne éditoriale, et un ton différenciant pour renforcer la proximité entre la Chambre et les études.
Rendre compte de notre activité, donner la parole aux notaires et collaborateurs et valoriser tous les talents au sein des études (exploits sportifs, inclusion, engagement solidaire, etc.) sont au centre des sujets.
Il s’agit d’un outil qui se veut résolument plus collaboratif et dont les thématiques couvrent un champ à 360°.
Autre chantier : la refonte intégrale de notre intranet. Cette nouvelle version sera beaucoup plus ergonomique et intuitive avec un moteur de recherche performant et un contenu mis à jour en continu. Cette évolution se verra accompagnée au premier semestre 2025 du lancement d’une application web accessible sur mobile « Notaires Paris, votre Chambre dans votre poche ».
Il est important de conserver l’histoire de chaque confrère et plus largement de notre Compagnie qui approche aujourd’hui les 2 100 membres.
Fédérer
Autour d’événements. La Compagnie de Paris est partenaire de nombreux évènements comme la Juris’Cup ou encore la Grande Course du Grand Paris. Force est de constater que de plus en plus de confrères souhaitent y prendre part, ce qui constitue pour nous un excellent marqueur !
L’envie de se voir et participer à des projets collectifs. L’objectif est de renforcer la cohésion de notre profession, avec deux fondements : le respect et la confiance. Cela montre l’état d’esprit des notaires et de leurs collaborateurs dans leur activité, une profession très soudée. Cela est d’autant plus important avec un nombre de professionnels qui croît de façon exponentielle et alors que la situation économique a bousculé nombre d’offices.
Vous souhaitez également axer votre mandat sur la lisibilité de la prévention et des sanctions disciplinaires. La réforme de la déontologie sera-t-elle un appui pour cela ?
Oui incontestablement !
Lors du mandat de mon prédécesseur, notre profession a eu à connaître de plusieurs réformes d’ampleur en matière de déontologie et de discipline. L’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 et son décret d’application du 17 juin suivant (D. n° 2022-900, 17 juin 2022), tous deux entrés en vigueur le 1er juillet 2022, ont opportunément renforcé les moyens d’actions de la Chambre en créant les mesures administratives au stade pré-disciplinaire : rappel à l’ordre, injonction, astreinte…
Ils ont également renforcé la Chambre de discipline en modifiant sa composition et en créent un service d’enquête.
La parution du nouveau Code de déontologie professionnel du notariat entrée en vigueur récemment est venu compléter l’arsenal (D. n° 2023-1297, 28 déc. 2023).
Il nous appartient maintenant de déployer pleinement tous ces nouveaux outils, de les mettre en œuvre dans leur complétude.
C’est la raison pour laquelle j’ai mis en place au sein de la Chambre un comité régalien réunissant tous les membres du bureau et les services de la Chambre concernés pour examiner l’ensemble des manquements constatés dans la Compagnie, et décider des suites déontologiques ou disciplinaires à donner.
Les études ont souffert de piratage informatique il y a quelque temps. Quelles actions mettez-vous en place pour contrer ces cyberattaques ?
Nous devons ANTICIPER. Accompagner la transformation numérique et la cybersécurité des offices de la Compagnie fait partie également des projets phares de mon mandat. Nous pouvons affirmer que notre profession est devenue, hélas, une cible pour les cybercriminels basés en France ou à l’étranger.
Nous avons en 2023, subi de fortes attaques passant par la fraude au RIB, la fraude au Président, les cyberblocages…
Pour limiter les risques, nous avons mis au point « Confiance RIB », un outil collectif de contrôle du niveau de sécurité des espaces numériques au sein de chaque office de notre Compagnie.
Ces actions sont menées pour concevoir des outils présentant le plus haut niveau de sécurité et de fiabilité grâce à un choix stratégique de cloud souverain, puisque toutes nos applications et services sont hébergés dans nos propres environnements en France, le tout en respectant scrupuleusement le RGPD et les préconisations de la CNIL.
De quelle façon menez-vous les réflexions autour de l’IA générative, que ce soit dans la formation des notaires ou dans la pratique des études ?
Tout d’abord ne pas craindre ces évolutions, mais se tenir prêts !
Individuellement et collectivement, il nous faut affronter positivement la révolution annoncée en matière d’Intelligence Artificielle (IA) Générative.
Bien que le futur semble proche, l'utilisation aboutie de l’IA concerne plutôt demain qu'aujourd'hui.
L'enjeu actuel consiste à identifier les tâches que l'on va pouvoir lui confier ; recherches documentaires, aide à la rédaction, cet outil automatisera les tâches et permettra aux acteurs du secteur de se recentrer sur les fondamentaux du métier et sur l'humain derrière le dossier.
Il ne faut pas en avoir peur car la machine ne va pas nous remplacer, mais nous permettre d'être plus efficaces.
Les avantages de l’IA sont bien identifiés : consacrer moins de temps à des tâches matérielles et un peu plus de temps à l’accompagnement du client.
Le juriste augmenté sera capable d'offrir un panel de services et d'accompagnement plus important. Concrètement, le temps actuellement consacré à s’occuper du client est encore trop faible. Plus les tâches du notaire gagneront en hauteur, en valeur ajoutée de conseil, plus son utilité sociale sera importante.
C’est dans cette perspective que nous avons coorganisé avec le CRIDON de Paris et les Notaires du Grand Paris, le 4 avril dernier, une matinée complète dédiée à l’IA générative et à ses applications et implications pour le notariat. Nous avons pu à cette occasion constater que certains éditeurs juridiques étaient presque prêts, et que les éditeurs de logiciels de rédaction d’acte ne l’étaient pas.
L’IA générative se déploiera dans tous les cas dans nos offices via des solutions généralistes telles que Copilot de Microsoft.
Notre Direction des systèmes d’information et la commission IA sont en alerte pour proposer et tester les outils qui se présentent sur le marché tant pour les activités de la Chambre que pour nos offices.
Il faut comprendre que ces technologies nécessitent d’une part une grande quantité de données disponibles – l’est-elle vraiment en ce qui concerne les actes notariés, actes publics ? A priori non – et nécessitent aussi des investissements très conséquents et donc une coordination de toute la profession pour que le notariat français soit identifié par les acteurs de ce secteur comme un marché intéressant.
Nous avons par ailleurs lancé auprès des études plusieurs cycles de formation sur l’IA générative avec deux universités prestigieuses, Saclay et Paris I, qui rencontrent un très franc succès.
Enfin, la commission IA mise en place au niveau des Notaires du Grand Paris, pour la préparation de la rencontre du 4 avril dernier, va poursuivre ses travaux afin de développer de nouvelles actions en faveur de la profession.
En ce qui concerne la conservation et la maîtrise des données produites par notre profession, la Chambre de Paris entend prendre toute sa place dans cette réflexion stratégique.
Lorsque vous mentionnez les orientations stratégiques de la Chambre à établir jusqu’à 2040, avez-vous déjà quelques perspectives à l’esprit ?
Nous nous sommes réunis en juin dernier autour d’un séminaire de Chambre composé des membres et collaborateurs de la Chambre pour amorcer une première réflexion prospective sur « HORIZON 2040 : anticiper les besoins du notariat parisien dans la société de 2040 » et répondre à un objectif double : anticiper et concevoir des politiques et des stratégies (à court, moyen et long terme) adaptées aux défis actuels et à venir de la profession.
Il s’agit de conserver la place et le rôle centraux du notaire dans notre système juridique et notre société. Pour cela, il faut anticiper les mutations économiques, culturelles, sociales, sociétales, technologiques, etc. qui vont intervenir d’ici les quinze prochaines années.
Ce séminaire tourné vers l’émulation, la confrontation d’idées et aligné sur le collectif a donné lieu à de nombreuses pistes et actions innovantes qui pourraient définir notre feuille de route.
Comment préparez-vous la démarche RSE que vous souhaitez mettre en œuvre ?
À titre personnel, je suis convaincu que notre Chambre, si elle veut s’inscrire dans son époque et au cœur de la société contemporaine, doit se définir comme une « entreprise à mission », que celle-ci soit sociale, environnementale ou d’économie durable.
J’ai souhaité créer un outil de réflexion et de définition d’actions opérationnelles en mettant en place une commission permanente et en nommant deux notaires référents RSE au sein des membres de Chambre et du bureau.
Un groupe de travail pluridisciplinaire a, par ailleurs, été créé au sein des services de la Chambre et le responsable qualité, formé par l’AFNOR.
Pour 2024-2025, nos objectifs sont doubles : établir un plan d’actions au niveau des collaborateurs internes à la Chambre et au niveau des notaires de la Compagnie de Paris, et suivre et encourager les initiatives des offices de la compagnie.
Comment envisagez-vous de renforcer le rayonnement international du notariat parisien et développer les relations avec les organisations et partenaires étrangers ?
L’international dans l’activité notariale est indispensable à la défense de notre métier, à la promotion de notre modèle « à la française ».
Par l’implication forte du notariat dans les échanges internationaux, nous jouons pleinement notre rôle de promotion de la France.
La Chambre de Paris proposera aux notaires de la Compagnie des rendez-vous d’échanges professionnels avec des confrères étrangers.
(Propos recueillis par Liliane Ricco)