En nombre comme en volume, les transmissions vont continuer à augmenter, parce que la population vieillit et parce que les patrimoines ont progressé plus vite que les revenus ces 20 dernières années en France.
Des héritiers minoritaires
D’après l’enquête confiée au Crédoc par France stratégie, seul 1 enquêté sur 3 déclare avoir déjà bénéficié d’une donation ou d’un héritage supérieur à 5 000 € et moins de la moitié pense qu’il en bénéficiera à l’avenir. Les personnes nées dans les années 1930 ou avant sont moins nombreuses en proportion à déclarer avoir bénéficié d’une transmission que les personnes nées dans les années 1940 et 1950 (40 % contre plus de 50 %).
La probabilité d’avoir bénéficié d’une transmission et la perspective d’en bénéficier croissent de manière sensible avec le niveau de revenu du foyer de la personne interrogée, attestant d’une forme de reproduction sociale : ceux qui héritent ou escomptent hériter se trouvent, en moyenne, dans une position plus favorisée en termes de niveau de vie.
64 % des personnes interrogées ont bénéficié ou pensent bénéficier un jour d’une transmission de patrimoine et 70 % pensent transmettre dans le futur un patrimoine d'au moins 5 000 €. Cette prévision est très corrélée au niveau de revenu : parmi les 20 % de ménages aux plus hauts revenus, 9 personnes sur 10 pensent transmettre du patrimoine ; à peine 1 personne sur 2 parmi ceux appartenant aux ménages aux plus bas revenus.
Une fiscalité impopulaire
La grande majorité des personnes interrogées se prononce, toutes catégories confondues, en faveur d’une diminution de la taxation des héritages.
L’aversion pour la taxation est particulièrement marquée s’agissant des donations et des héritages, à égalité avec la taxation sur les revenus du travail. Elle est moins prononcée pour les revenus et les plus-values du patrimoine au sens large, notamment lorsqu’ils concernent les placements financiers et les biens professionnels, ainsi que pour les gains issus des jeux de hasard.
Même les individus déclarant peu de patrimoine et estimant avoir peu de chances de recevoir une donation ou un héritage sont très majoritairement hostiles à cette taxation.
D’une manière générale, les individus diplômés de l’enseignement supérieur, les cadres et les catégories intellectuelles supérieures sont significativement plus favorables que les autres à un niveau de taxation plus élevé.
enquête Crédoc « Conditions de vie et aspirations des Français » été 2017, questionnaire France Stratégie sur la fiscalité des transmissions
Une fiscalité surestimée
Alors que les transmissions entre personnes mariées ou liées par un pacs ne sont plus imposées depuis 2007, les personnes interrogées pensent en moyenne que ces transmissions sont imposées à 22 % et 1 personne sur 5 pense que ce taux est inférieur à 10 %.
De la même manière, alors que le taux effectif moyen d’imposition sur les actifs transmis en ligne directe est de l’ordre de 5 % depuis une trentaine d'années, la majorité des personnes interrogées pense qu’il est supérieur à 10 % et plus de 1/3 l’estime supérieur à 20 %.
Le consentement au barème
Malgré l’impopularité de la fiscalité des transmissions, on observe une relative adhésion des Français aux modalités actuelles de cette taxation, dont le barème varie selon les liens de parenté et le type d’actifs transmis.
Ainsi, lorsqu’on les interroge sur le barème à appliquer selon le lien de parenté, les enquêtés reproduisent à peu près la logique du système actuel, avec deux exceptions cependant. D’une part, ils jugent que les transmissions entre conjoints et en direction des enfants devraient être taxées au même niveau. D’autre part, ils estiment que le niveau de taxation pour les transmissions aux associations ou œuvres d’utilité publique devrait être parmi les plus élevés (presque au niveau des transmissions à des proches non-membres de la famille), alors même qu’elles sont aujourd’hui exonérées d’impôt.
enquête Crédoc « Conditions de vie et aspirations des Français » été 2017, questionnaire France Stratégie sur la fiscalité des transmissions
Désir de réforme ?
La fiscalité pourrait opérer une distinction entre donations et héritages et prendre en compte l’âge du donataire ou de l’héritier, ce qui inciterait les donateurs à transmettre leur patrimoine plus tôt, à des générations plus jeunes, de façon à réduire les inégalités de patrimoine entre générations :
moins de 50 % des personnes interrogées se prononcent en faveur d’une moindre taxation des donations par rapport aux héritages ;
une majorité souhaite une fiscalité moins élevée pour les héritiers plus jeunes ;
les diplômés de l’enseignement supérieur, les agriculteurs, les chefs d’entreprise et les commerçants ainsi que les cadres et les catégories intellectuelles supérieures se révèlent plus favorables à une fiscalité plus faible pour les donations ;
et les personnes âgées comptent parmi les plus favorables à la prise en compte de l’âge de l’héritier.
Pour permettre une plus grande équité, l’ensemble des sommes déjà reçues par donation ou héritage pourrait être pris en compte lorsqu’on bénéficie d’une nouvelle transmission. Dans le système actuel, à lien de parenté identique, le taux d’imposition d’une somme totale reçue est plus élevé quand cette somme provient d’un seul donateur que de plusieurs donateurs et, d’autre part, le taux d’imposition ne dépend pas du nombre de transmissions dont l’individu a déjà bénéficié ni de leur montant total. 40 % des personnes interrogées sont favorables à une telle option, soit un soutien non négligeable, même s’il reste minoritaire. Les diplômés de l’enseignement supérieur se distinguent là aussi du reste de la population avec une préférence significativement plus élevée pour la prise en compte de l’ensemble des sommes reçues.
(France Stratégie, Grégoire-Marchand P., note de synthèse, janv. 2018)
Rédaction Lextenso