Bilan de l’activité Tracfin des notaires en 2017

Ref : Defrénois 19 juill. 2018, n° DEF138k9, p. 11

Appréciation quantitative et qualitative des déclarations

Premier contributeur des professions non financières. Le notariat a fourni, en volume, un effort déclaratif conséquent en 2017 en transmettant à Tracfin 1 401 déclarations de soupçon, soit une progression de 34 % par rapport à 2016, après de longues années autour de 1 000 déclarations quelle que soit l’évolution du marché immobilier.

La profession atteint son score le plus élevé depuis 1998 et confirme sa place de premier contributeur dans le secteur des professions non financières devant les opérateurs de jeux.

Part relative des professions déclarantes du secteur non financier en 2017

www.economie.gouv.fr/tracfin

Disparités géographiques. L’activité déclarative est marquée par des disparités géographiques. Ainsi, il est constaté une forte polarisation des déclarations de soupçon émises en Île-de-France (30 %) et dans la région PACA (15 %). La région Grand-Est concrétise sa montée en puissance amorcée en 2016 avec 13 % des signalements adressés par la profession. Ces trois régions concentrent à elles seules 58 % des déclarations de soupçon adressées par les notaires.

Les notaires des autres régions déclarent de manière très inégale.

Prédilection pour la dématérialisation. Le nombre toujours croissant de déclarations transmises via ERMES (81 % en 2017) démontre que les notaires s’engagent résolument dans la voie de la dématérialisation.

Ce résultat positif est l’exemple à suivre par les représentants de la profession encore nombreux dont les déclarations de soupçon sont jugées irrecevables. Ainsi sur les 256 déclarations de soupçon jugées irrecevables, toutes professions confondues, 143 concernaient des notaires.

L’envoi d’une déclaration de soupçon via ERMES permet sa saisie de manière sécurisée et la garantie de la confidentialité de l’accusé de réception.

Nature des opérations. L’attention des notaires se concentre quasi exclusivement sur les opérations immobilières qui représentent 97 % de l’objet des déclarations. Elles concernent des opérations d’immobilier résidentiel et, à la marge, des cessions de bail et des cessions de parts sociales.

Qualité des déclarations. Tracfin relève que si la contribution des notaires revêt en volume un caractère ascendant, des marges de progression considérables subsistent en matière qualitative.

En effet, près de la moitié des déclarations de soupçon ne contient aucune pièce jointe. La déclaration reste trop souvent lacunaire, dénuée d’analyse et d’élément de soupçon tangible.

L’exposé des faits ne doit pas consister en une simple copie d’un acte notarié, mais être l’expression d’un doute sur la licéité d’une opération.

Les éléments d’informations recueillis en matière de connaissance client et transmis à Tracfin restent largement perfectibles, de même que les éléments financiers et contextuels relatifs à l’opération décrite.

Cependant, en 2017, les notaires ont signalé à bon escient des acquisitions de biens immobiliers par des personnes faisant l’objet de sanctions nationales ou internationales. Ils ont également décrit des situations qui ne permettaient pas d’identifier le bénéficiaire réel de la transaction (acheteur « de paille », utilisation de sociétés opacifiantes) ou révélé des cas de fraude fiscale, fraude en lien essentiellement avec des problématiques d’évasion fiscale.

Projets pour 2018. Des efforts restent à accomplir pour mettre en place une cartographie des risques au niveau de chaque étude. La sensibilisation engagée par Tracfin depuis plusieurs années s’intensifie avec le concours des instances représentatives. En 2017, Tracfin a engagé des actions dans le ressort des cours d’appel de Douai, Agen, Aix-en-Provence, Paris II, Nîmes et devant la chambre départementale des Hauts-de-Seine.

En 2018, il est prévu que les notaires disposent de l’accès à une base de données commerciales constituant un outil pour détecter des personnes politiquement exposées et disposer d’informations sur les protagonistes d’un dossier.

Par ailleurs, le CSN envisage de déployer au cours de l’année un dispositif informatique qui permettra d’orienter les professionnels et de parfaire leur analyse.

Cas typologique

L’attention du service fut appelée sur plusieurs dizaines de transactions immobilières authentifiées par un même notaire, qui furent toutes financées par la même banque à hauteur de plus de 8 000 000 €. Un salarié d’une commune d’Île-de-France fut mandaté pour une large partie de ces transactions qui présentaient des anomalies :

  • adresses et professions des acquéreurs erronées ou obsolètes ;

  • acquéreurs ne disposant pas de la surface financière nécessaire aux remboursements ;

  • emplacement des biens éloignés de l’étude notariale ;

  • achat et revente rapide des biens, sans que les acquéreurs y habitent ;

  • obtention des prêts sur la base de faux documents.

Révélations des investigations menées par Tracfin :

  • un écart de prix important et récurrent entre les montants d’acquisition et les montants empruntés ;

  • l’encaissement par le notaire de la totalité des fonds débloqués par la banque ;

  • reversement d’une partie aux vendeurs ;

  • transfert de l’autre partie vers plusieurs sociétés exerçant dans des domaines divers (garages automobiles, conseil, commerce de métaux…) non parties aux opérations immobilières, pour près de 2 000 000 €. Ces sociétés sont par ailleurs suspectées d’avoir une activité de recyclage de fonds issus d’activités criminelles.

Critères d’alerte pour un notaire :

  • emplacements des biens éloignés de l’étude notariale ;

  • achat et revente rapide des biens, sans que les acquéreurs y habitent ;

  • profil socio-économique de l’acquéreur peu compatible avec le prix d’achat du bien.

Critères d’alerte relatifs aux prêts octroyés :

  • présence d’un même notaire pour authentifier des transactions immobilières afférentes à de nombreux dossiers de prêt qui n’avaient, en théorie, aucun lien entre eux ;

  • anomalies similaires dans les dossiers de prêt ;

  • les emprunteurs remboursent leurs mensualités d’emprunt grâce à des versements de sociétés tierces, sans lien connu avec leurs clients.

Critères d’alerte relatifs aux comptes bancaires de sociétés :

  • irrégularités relevées sur les comptes de sociétés exerçant dans des domaines divers, dont des versements conséquents et sans justificatif provenant d’un notaire ;

  • les sociétés émettent mensuellement des chèques de montants identiques, laissant supposer des salaires, vers de multiples personnes physiques pourtant non salariées. Ces particuliers s’en servent pour rembourser leur emprunt.

(Tracfin, rapp. 21 juin 2018)

 

Rédaction Lextenso

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