L'association des anciens d'études supérieures notariales (ACSEN) a proposé le 8 novembre dernier une conférence intitulée « Acquisitions et ventes par des étrangers : aspects pratiques ».
Cette conférence était animée par Sara Godechot-Patris, professeur agrégé, et Me Richard Crône, notaire honoraire, tous deux membres du Comité français de droit international privé.
Les intervenants ont souligné que, face au nombre exponentionnel d’acquisitions par des étrangers, les notaires devaient développer de nouveaux réflexes, car toute défaillance en la matière risque d’entraîner leur responsabilité.
Me Crône a abordé les difficultés liées à la forme, tandis que le professeur Godechot-Patris s’est attachée aux questions de fond.
Les questions de forme
Comparution des personnes morales. Les praticiens doivent tout d’abord s’interroger sur la capacité de la société.
La personne morale existe-t-elle ? A-t-elle la capacité juridique pour passer l’acte ? Le droit français reconnaît-il sa validité ? Quelle règle de conflit appliquer ?
Le notaire devra également examiner les pouvoirs des dirigeants. La société est-elle valablement représentée ? Quid des conventions réglementées, des limitations de pouvoirs…
Le notaire devra être vigilant tant sur les lois applicables (loi française et celle du siège social) que sur le contenu des statuts.
Pour rappel, le certificat de coutume n’a aucune valeur juridique et ne saurait dédouaner le notaire de sa responsabilité.
Il est donc primordial, a rappelé Me Crône, d’accorder le plus grand soin à l’expert choisi pour délivrer un tel certificat et à son contenu. Il ajoute que rien n’empêche de solliciter un notaire d’un autre pays et que le recours à un avocat n’est pas obligatoire.
Comparution des personnes physiques. S’il est nécessaire de vérifier l’état civil de la personne, son régime matrimonial et sa filiation, la véritable finalité est d’identifier correctement le comparant.
Attention toutefois, car tous les extraits d'actes d'état civil n’ont pas la même force probante et ne contiennent pas les mêmes informations.
En pratique, il est possible de demander aux mairies des extraits d’actes en la forme internationale.
Rédaction de l’acte. Le notaire doit obligatoirement rédiger l’acte en langue française, tout en veillant à ce que les parties aient bien compris son contenu, et pour ce faire les méthodes utilisées sont soit la traduction, soit l’interprétation.
Par ailleurs, Me Crône a invité les notaires à la prudence s’agissant des procurations authentiques, sources de questionnements récurrents, certains pays ne connaissant pas la notion d’authenticité (Irlande, Royaume-Uni…).
Les questions de fond
Le professeur Sara Godechot-Patris a rappelé les conditions de fond applicables en la matière.
Le principe reste celui de la liberté de choix de la loi applicable au contrat. À défaut, la loi du lieu de situation du bien immobilier s’applique. Cette liberté de choix ne s’applique qu’au contrat, mais pas à la capacité, ni à la forme…
Pour prévenir les difficultés, Mme Sara Godechot-Patris incite donc les praticiens à préciser la loi choisie dans le contrat.
Les mutations par des étrangers sont également l’occasion de sécuriser la situation matrimoniale des époux. Le 29 janvier prochain entrera en vigueur le règlement (UE) n° 2016/1103 du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux (v. sur ce sujet, Nourissat C. et Revillard M., « Pour une bonne application des règlements européens sur les régimes matrimoniaux et les partenariats enregistrés », Defrénois 18 oct. 2018, n° 140x2, p. 17). Ce règlement aura des conséquences pour les praticiens, puisqu’il modifie − de façon plus restrictive − les règles applicables en matière de changement volontaire de loi applicable.
Enfin, la question de la dimension successorale ne doit pas être éludée. Le notaire devra donc interroger son client acquéreur sur ses objectifs (simple investissement en France ou véritable installation), desquels dépendra la loi applicable.
Rédaction Lextenso, Emmanuelle Guérin