Du 3 au 5 décembre dernier, les notaires de France ont pu débattre sur les enjeux de l’intelligence artificielle présentés par l’équipe des rapporteurs composée de Me Tiffany Attia, Me Laurence Leguil, Me Ludovic Guyot, Me Francis Paul et Me Olivier Vix rapporteur général.
Ces trois jours, riches en échanges, ont vu se succéder à la tribune, outre les rapporteurs, les présidents du CSN et de l’AL, Mes Jean-François Humbert et Philippe Clément, mais aussi le professeur Jean-Gabriel Ganascia, président du comité éthique du CNRS et chercheur en IA (intelligence artificielle), des responsables et ingénieurs du numérique du CSN, de l’ADSN et de la chambre interdépartementale de Paris, MM. Nicolas Tissot, Damien Gréau et Jacques Binard, ainsi que le professeur de droit Charles Gijsbers.
Une présentation des travaux et des vœux tout à fait originale a été proposée à l’auditoire par Pepper, le robot humanoïde développé par la société Softbank Robotics, plongeant les participants immédiatement dans le vif du sujet avec une question sous-jacente : quel rôle une machine pourra-t-elle jouer dans notre futur proche ?
Les confrères ont massivement répondu présent à ce grand rendez-vous introspectif annuel malgré les manifestations à Paris.
Une approche didactique a précédé les débats, pour permettre aux congressistes de se familiariser avec ces nouvelles technologies et démystifier de nombreuses informations colportées par l’engouement de certains médias ou des techno-prophètes.
Le professeur Ganascia a ainsi clairement distingué ce qui relevait du mythe des réelles avancées technologiques dans le monde de l’intelligence artificielle. À la question « pensez-vous que la machine supplantera un jour l’homme ? », il a répondu, non sans malice, qu’il s’inquiétait bien plus des hommes qui programmaient la machine que de la machine elle-même.
La qualité des débats a démontré le vif intérêt des notaires pour ces évolutions, lesquels sont plutôt bien disposés à s’approprier les nouvelles technologies.
Ainsi, l’idée de créer des outils basés sur des IA comme Ross (la brique Watson d’IBM développée pour les avocats) les a plutôt séduits. Tout comme ceux permettant d’assurer un meilleur suivi de la clientèle.
Notre visibilité dans le monde du numérique, avec la création d’un fonds de l’innovation, a également emporté l’adhésion. Si certaines legaltechs semblent actuellement « braconner » dans des domaines jusque-là occupés principalement par les professionnels du droit, il faut reconnaître que d’autres souhaitent ardemment travailler avec nous en se plaçant dans une logique de complémentarité. Ce fonds permettra de développer des relations de partenariat avec ces dernières en recourant à des chartes éthiques.
Ont été plébiscités également les nouveaux modes de travail visant à mieux mutualiser nos moyens, notamment solliciter des notaires connaissant des démarrages plus difficiles (733 nouveaux postes viennent de se rajouter aux 2 000 postes créés…). Tout comme la réactivation de certains outils numériques permettant d’obtenir une sorte de carnet de santé de l’immeuble.
Les participants ont aussi saisi l’importance de pouvoir exploiter des données pertinentes à condition naturellement de respecter les règles de confidentialité et de protection découlant de notre statut et du RGPD.
La promotion de l’acte authentique à distance en retenant le principe de l’oralité du consentement a également été acceptée lors de cette session. Toutefois, il a été fait observer que toutes ces nouvelles interactions proposées par des machines et leurs algorithmes, tels que ces chatbots ou ces analyseurs de mails, ne devaient pas remplacer l’expérience humaine recherchée par les clients. La qualité de l’écoute du client, l’empathie ou encore ce que l’on appelle la sérendipité – cette faculté de cultiver les heureux hasards ayant permis de faire moult découvertes dans de nombreux domaines –, toutes ces qualités ne se programment pas à l’aide d’un algorithme si puissant soit-il. Elles relèvent exclusivement de notre humanité.
En revanche, elles peuvent se cultiver et être encore mieux utilisées pour nos clients. La mise en place d’une formation visant à développer notre intelligence émotionnelle a ainsi été votée pour répondre en quelque sorte à ceux qui prétendent aujourd’hui que l’homme est en passe de devenir obsolescent à cause de l’intelligence artificielle.
Cette session restera marquée par des échanges de grande qualité clôturés avec brio par le professeur Gijsbers qui les a synthétisés avec son œil d’expert en matière d’authenticité.
Rédaction Lextenso, Olivier Vix, notaire à Rouffach