Altares a présenté, le 24 janvier dernier, son étude sur les défaillances et sauvegardes d’entreprises relatives au 4e trimestre 2018 et au bilan 2018.
Augmentation du risque chez les PME
Les redressements et liquidations judiciaires directes
Ils évoluent de la même façon au rythme de - 1 % sur l’année et concentrent toujours 98 % de l’ensemble des procédures pour seulement 2 % de sauvegardes, dont les ouvertures reculent de plus de 11 % en 2018.
Sur le seul dernier trimestre, le nombre de redressements judiciaires se stabilise, proche de 16 500, tandis que les liquidations directes augmentent de 4 %, illustrant l’accentuation des tensions financières.
Le taux de liquidation reste inversement proportionnel à la taille des entreprises
Près des trois quart (72 %) des structures de moins de 3 salariés sont immédiatement liquidées, contre 17 % pour celles de plus de 100 salariés. Ces dernières présentaient toutefois l’année dernière un taux de liquidation plus bas, sous les 14 %.
Plus de neuf entreprises défaillantes sur dix (94 %) sont des TPE de moins de 10 salariés, ce sont donc elles qui rythment le bal (- 1 % sur l’année et + 3,6 % sur le dernier trimestre).
Toutefois, outre les grandes structures de plus de 100 salariés, dont la sinistralité augmente fortement, les PME de 10 à 49 salariés s’inscrivent elles aussi sur une tendance délicate. Sur 2018, cette taille d’entreprises a viré au rouge dès le 2e trimestre (+ 3 %), confirmant au 3e (+ 3 %) mais accélérant sur le 4e (+ 13 %).
Plus de la moitié (53 %) des structures défaillantes, majoritairement âgées de 4 à 10 ans, sont des SARL.
Toutefois les sociétés par actions simplifiées (SAS) sont de plus en plus nombreuses (+ 23 %), témoignant du succès de cette forme juridique en créations d’entreprises. Une note de l’INSEE de janvier 2018 (INSEE Première n° 1685, janv. 2018, Bonnetête F.) observe en effet que les SAS représentaient 60 % des créations de sociétés en 2017, après 56 % en 2016, 48 % en 2015 et 39 % en 2014.
Un nombre stable de défaillances d'associations déclarées
Parmi les autres catégories juridiques défaillantes, 941 sont des associations déclarées, un nombre stable par rapport à 2017 mais en augmentation de 7 % sur le second semestre ; plus d’une centaine officient dans le sport, elles sont autant dans le spectacle ou dans l’action sociale.
Les défaillances s’accélèrent en fin d’année dans tous les secteurs
Si les tendances semblent bonnes sur l’année, elles ont progressivement viré au rouge au fil des mois ; sur le dernier trimestre, dans la plupart des secteurs, les défaillances sont reparties à la hausse.
L’industrie manufacturière semble porter le retournement le plus sensible avec une lourde dégradation de + 27,9 % sur le dernier trimestre, alors que la tendance annuelle est encore favorable (- 5 %).
L’industrie agroalimentaire reste difficilement orientée sur le dernier trimestre (+ 5,7 %) comme sur l’année (+ 7,5 %). Les produits de boulangerie-pâtisserie et pâtes pèsent fortement sur la tendance, et plus particulièrement les artisans boulangers (+ 8,4 % en 2018 et + 5,7 % au 4e trimestre).
Dans le bâtiment, les procédures baissent de 2,3 % en 2018 et augmentent de 2,2 % sur le 4e trimestre. La dégradation s’accélère en gros œuvre dans la construction de maisons individuelles (+ 8 % sur l’année et + 16 % sur le 4e trimestre), en second œuvre dans les travaux de couverture (+ 9 % sur l’année et + 27 % sur le 4e trimestre). Les travaux publics sont mieux orientés ; dans les travaux de terrassement, les défaillances se stabilisent sur 2018 mais reculent de 12 % en fin d’année. L’immobilier affiche une moindre sinistralité sur l’année (- 6 %) comme sur le 4e trimestre (- 7,2 %).
Le commerce enregistre un recul des défaillances sur l’année (- 3,7 %) mais une hausse sur le dernier trimestre (+ 2,2 %). Cette évolution est le reflet des tendances observées chez les détaillants (- 5,5 % sur l’année et + 4 % au 4e trimestre), tandis que les grossistes demeurent favorablement orientés (- 3,9 % sur l’année et - 6 % au 4e trimestre).
Les services aux entreprises semblent s’inscrire défavorablement (+ 6,6 %) sur 2018 et plus encore sur le dernier trimestre (+ 9,5 %). Les difficultés dans les services se concentrent plutôt dans les relations publiques, le conseil pour les affaires, les activités d’architecture, l’ingénierie ou le nettoyage courant des bâtiments.
Dans le secteur de l’information et de la communication, les chiffres sont bien orientés à la fois sur l’année (7,9 %) et le dernier trimestre (- 5,2 %). Les tendances sont cependant sévères dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques (+ 8,9 % sur l’année et + 47,2 % sur le 4e trimestre).
Dans les activités d’assurance et financières, dans le rouge en 2018 (+ 6,0 %) et plus encore au 4e trimestre (+ 30 %), les agents et courtiers d’assurances, stables sur l’année, accusent une dégradation de 57,1 % sur le 4e trimestre.
La restauration a contenu les défaillances d’entreprises en 2018 (+ 1,2 %) mais souffre davantage en fin d’année (+ 6,1 %). La restauration traditionnelle résiste (- 2,5 % sur l’année et + 1,4 % sur le 4e trimestre). En revanche, la sinistralité accélère en restauration rapide (+ 8,7 % sur l’année et + 16,7 % sur le 4e trimestre). Les débits de boissons sont à la peine en fin d’année (+ 7,1 %).
Parmi les autres activités, dont le nombre de défaillances augmente rapidement sur le dernier trimestre, nous noterons des métiers de la santé humaine et action sociale (dentistes, professionnels de la rééducation, ambulanciers, aide à domicile), d’activités récréatives (spectacle vivant, activités sportives) ou d’enseignement (auto-école, formation pour adultes).
Quatre régions sont dans le vert en 2018 et sur le dernier trimestre
La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur est tombée à 5 310 procédures collectives en 2018 (- 13,2 %), le meilleur chiffre depuis 2007 (5 433). Sur le dernier trimestre, la baisse est encore de 10 %. Tous les départements participent à l’amélioration en 2018, exception faite du Vaucluse.
L’Occitanie emboîte le pas de son voisin avec 4 758 défaillances en 2018 (- 6 %), là encore la plus faible sinistralité depuis 2007 (4 794). Le dernier trimestre tient la cadence avec un recul de 4 %.
Cependant, les défaillances étaient en hausse de plus de 10 % en 2018 en Lozère, Ariège et Hautes-Pyrénées, et de 3 % dans le Lot et en Pyrénées-Orientales.
En Bretagne, cette année encore, les procédures collectives reculent et s’établissent à 2 041 (- 6,3 %) un nombre tout proche de celui enregistré en 2007 (2 024). Seul le Finistère est légèrement dans le rouge (+ 1,5 %).
La Corse, qui avait dépassé le plafond des 400 procédures annuelles depuis 2016, revient juste à cette limite.
Cinq régions, encore favorablement orientées sur 2018, basculent dans le rouge en fin d’année
En Auvergne-Rhône-Alpes, les ouvertures de procédures collectives sont en baisse depuis 2013. 2018 poursuit la trajectoire avec un résultat à 6 288 (- 5,7 %) sans toutefois parvenir à descendre sous le seuil des 6 000 comme en 2007 (5 665).
Le territoire de Rhône-Alpes est en amélioration sensible (- 7,4 %) en dépit des faiblesses de l’Ardèche (+ 10 %), de la Drôme (+ 4 %) et, dans une moindre mesure, de la Loire (+ 1 %).
L’Auvergne, où tous les départements sont dans le rouge, dérape de + 5,3 %.
En fin d’année, les difficultés s’accentuent chez cette dernière (+ 19,4 %) pendant que le territoire de Rhône-Alpes tente de résister (- 0,3 %), conduisant l’ensemble de la région à une hausse de + 2,3 %.
Dans le Grand-Est, les défaillances se stabilisent au seuil des 4 200, juste sous la valeur de 2008 (4 343). Sur l’année, les difficultés se sont concentrées en Champagne (+ 16,3 %) mais sur le dernier trimestre, les trois anciennes régions virent au rouge. La Champagne conserve une forte sinistralité (+ 16,5 %) devant la Lorraine (+ 15,7 %) et l’Alsace (+ 6,6 %).
Les défaillances d’entreprises ont reculé pour la troisième année consécutive en Pays-de-la-Loire pour redescendre à 2 418 procédures (- 2,2 %), le meilleur chiffre depuis 2008 (2 376). La Loire-Atlantique et le Maine-et-Loire sont néanmoins en légère hausse, inférieure à 2 %. La région enregistre un mauvais dernier trimestre (+ 15 %).
En 2017, la Bourgogne-Franche-Comté parvenait à redescendre pour la première fois depuis 2006 sous les 2 000 procédures annuelles. Ce résultat a été confirmé en 2018 avec 1 925 procédures annuelles (soit - 1,9 %). Les défaillances étaient en recul de 6,6 % en Franche-Comté et en légère hausse de 1,2 % en Bourgogne.
La Nièvre a particulièrement souffert en 2018 avec une explosion des défaillances de plus de 32 %. Le dernier trimestre n’est pas sévère, toutefois, le nombre des jugements a augmenté de 2,2 %.
La région Centre-Val-de-Loire enregistre un recul de 1,9 % du nombre des procédures collectives à 1 851 un nombre au plus bas depuis 2007 (1 727). Seul l’Indre et l’Indre-et-Loire sont en hausse en 2018. Sur le dernier trimestre, la sinistralité des entreprises augmente brutalement (+ 14,2 %).
Les autres régions sont en difficulté sur 2018 et particulièrement sur le dernier trimestre
En tête de ces régions, l’Île-de-France : sur 2018, 12 130 procédures ont été enregistrées, c’est 5,6 % de plus sur un an ; cela ramène la région à son niveau constaté en moyenne sur dix ans. Exception faite de Paris (- 3 %), tous les départements connaissent une augmentation du nombre des défaillances d’entreprises ; pour cinq d’entre eux, la hausse est supérieure à 10 %. Les jugements accélèrent encore en Île-de-France sur le dernier trimestre (+ 10,7 %).
La Nouvelle-Aquitaine a stabilisé les procédures collectives un peu au-dessus de 4 600 (+ 0,2 %), sa meilleure performance depuis 2007 (4 442). L’Aquitaine (- 2 %), plus précisément la Gironde (- 4,2 %), tire la tendance régionale. Sur le dernier trimestre, la tendance s’inverse fortement (+ 8,2 %). Si l’Aquitaine contient la dégradation à + 3,9 %, le Limousin et le Poitou-Charentes sont aux environs de + 14 %.
La région des Hauts-de-France était tombée sous 5 000 procédures annuelles en 2014 et approche, 4 200 défaillances (+ 1,3 %), une sinistralité qui reste au plus bas depuis 2008 (4 853). Le Pas-de-Calais (+ 9,5 %) et la Somme (+ 11,4 %) sont en difficulté sur 2018. Le dernier trimestre est défavorablement orienté sur la région (+ 5,6 %).
En Normandie, les défaillances d’entreprises se stabilisent (+ 0,6 %) sous 2 390, un nombre au plus bas depuis 2008 (2 123). Le Calvados (+ 4,6 %), et plus encore la Manche (+ 15,7 %), sont dans le rouge. Le dernier trimestre offre moins de résistance mais la hausse de la sinistralité régionale est contenue à + 3,3 %.
Un contexte social tendu et économique incertain
Selon Thierry Millon, directeur des études d’Altares, l’année 2018 s’est achevée dans un contexte social tendu et économique incertain. La France, comme les pays de la zone euro, s’essouffle en 2018 après une année 2017 record depuis dix ans, durant laquelle le PIB a gagné 2,3 %. En 2019, voire en 2020, le PIB pourrait, au mieux, stagner aux environs de 1,5 % comme en 2018. Les preneurs de risque, du crédit manager au conseiller en investissements financiers, vont devoir redoubler de vigilance dans l’évaluation de leurs opportunités d’affaires ou commerciales ; en 2019, 56 000 entreprises françaises pourraient connaître la défaillance.
(Altares, Défaillances et sauvegardes d’entreprises en France, Bilan 2018, 24 janv. 2019)
Rédaction Lextenso