Pour son 2e petit-déjeuner du notariat, organisé le 27 février dernier, l’association du master 2 droit notarial de l’université Paris II Panthéon-Assas avait choisi pour thème « Le projet de réforme du droit des sûretés : quels impacts sur la pratique notariale ? ».
Présidée par le professeur Michel Grimaldi, cette matinée a été animée par Alain Gourio, directeur de la Revue Banque et docteur en droit, et Dominique Savouré, notaire à Versailles.
L'article 16 du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) prévoit une habilitation du gouvernement à agir par voie d’ordonnance afin de réformer le droit des sûretés. Aussi, les intervenants ont présenté divers aspects de cette réforme, dont l'élaboration a été placée sous l'égide de l'association Henri Capitant.
Quels sont les objectifs de cette réforme ?
Selon Michel Grimaldi, l'avant-projet de réforme poursuit trois objectifs majeurs :
Parachever la réforme de 2006. Cette réforme s'inscrit dans le sillage de l'ordonnance du 23 mars 2006 (Ord. n° 2006-346, 23 mars 2006 : JO, 24 mars 2006) qui avait, certes, permis une profonde rénovation du droit des sûretés mais en y excluant certains pans comme, notamment, les privilèges et le cautionnement ;
Apporter des ajustements. C'est le cas, en particulier, de l'introduction d'une fiducie spéciale sur créance et de l'apparition dans le Code civil des sûretés sur sommes d'argent ;
Permettre une articulation du droit des sûretés et des procédures collectives. Une réflexion devra être menée sur les interférences entre le droit des sûretés et celui des procédures collectives pour permettre une meilleure protection des créanciers.
Grâce à cette réforme, le législateur souhaite clarifier et améliorer la lisibilité du droit des sûretés, dans un souci de sécurité juridique et d’attractivité du droit français, et renforcer son efficacité, afin de faciliter le crédit et donc le financement de l’activité économique, tout en assurant l’équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants.
Quelles sont les incidences de la réforme sur le domaine bancaire ?
Alain Gourio souligne que le financement de l'économie a besoin de sûretés simples et efficaces.
Pour les établissements de crédit, en France et en Europe, les sûretés ne constituent pas le critère principal pour l'attribution d'un crédit. En effet, les banques se fondent sur la solvabilité du débiteur et sur la faisabilité du projet à financer.
Les sûretés permettent de pondérer les risques que prennent les banques. Elles sont cotées en fonction des règles prudentielles.
De nombreuses innovations positives sont envisagées par la réforme, notamment en matière de cautionnement (simplification du formalisme, modification de la sanction en cas de disproportion...), de gage (amélioration du régime du gage de meubles corporels...), de nantissement de monnaie scripturale, d'hypothèque rechargeable, de fiducie-sûreté.
Quels sont les impacts de la réforme pour la pratique notariale ?
Dominique Savouré précise que, pour en assurer une meilleure attractivité, certains outils seront simplifiés et de nouveaux seront créés :
l'hypothèque rechargeable dont le régime sera réhabilité ;
le nantissement de monnaie scripturale permettra de donner un véritable statut aux sûretés sur sommes d'argent immobilisées sur un compte bloqué au nom du constituant ;
l'hypothèque du bien faisant l'objet d'une promesse de vente ;
le pacte commissoire et l'attribution judiciaire avec l'affirmation de la possibilité de demander l'attribution judiciaire et de se prévaloir du pacte commissoire en cas de liquidation judiciaire.
Par ailleurs, cette réforme aura de nombreuses conséquences sur la pratique notariale.
Ainsi, la reconnaissance de la possibilité de constituer et de maintenir un gage sur des meubles immobilisés par destination, qui aurait vocation à être utilisé en présence d'éoliennes, impliquera de consulter le registre spécifique relatif aux gages.
Enfin, la transformation du privilège de prêteur de deniers en hypothèque légale nécessitera certaines adaptations de la pratique. En particulier, si le coût fiscal de la prise de la sûreté restera le même, le rang de l'hypothèque légale ne remontera pas à une époque antérieure à sa publicité comme c'est le cas avec le privilège de prêteur de deniers. En conséquence, en cas de signature, pour une même opération, de la vente et du prêt par actes séparés, cette absence de rétroactivité imposera de déposer l'acte de vente et le bordereau d'inscription quasi simultanément.
(par Honorine Moreno)
Rédaction Lextenso