Le 4 mars dernier, l'Association droit notarial Dauphine (ADN Dauphine) et le Master 2 de droit notarial de Dauphine (Master 213) nous conviaient, sous la direction du professeur Anne Karm, à leur Matinale notariale sur le thème « Quelle optimisation fiscale après la loi de finances pour 2019 ? ».
Les regards croisés de Me Maxime Hollander, notaire à Béthune, chargé d’enseignement à l’université Paris-Dauphine, de Me Xavier Fromentin, notaire à Nantes et membre du groupe Monassier, et de M. François Fruleux, docteur en droit, consultant au Cridon Nord-Est, chargé d’enseignement à l’université Paris-Dauphine, ont permis à chacun de mesurer les difficultés pratiques d'une optimisation fiscale de plus en plus encadrée.
Un dispositif non impacté mais assoupli : le pacte Dutreil
C'est à Me Fromentin que revenait la présentation du pacte Dutreil, dispositif bien connu des praticiens, mais qui a fait l'objet de nouveaux aménagements, dont notamment :
l'abaissement des seuils minimum de l’engagement collectif (17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les sociétés non cotées ; 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour les sociétés cotées) ;
la possibilité de souscrire un engagement « collectif individuel » ouvrant dorénavant au donateur la faculté de conserver la direction de la société ;
l'assouplissement de l’engagement réputé acquis par la prise en compte, désormais, du concubin notoire et l'extension à la détention de la société cible par l’intermédiaire d’une société interposée.
Par ailleurs, il alertait l'assemblée sur les risques que porte l'allègement de l'obligation déclarative (suppression de l’attestation annuelle du respect des engagements, remplacée par la faculté pour l’administration fiscale d’en faire la demande) et préconisait une pratique simple mais efficace : l'envoi annuel, par le notaire, d'un courrier de rappel des engagements pris à ses clients dirigeants.
Enfin, Xavier Fromentin soulignait que la loi de finances pour 2019 n'apportait toujours pas de définition de la société holding animatrice.
Nouvel abus de droit fiscal et tentative de définition du motif fiscal « principal »
Dans le cadre du nouvel abus de droit fiscal, François Fruleux rappelait tout d'abord le contexte général et les évolutions depuis la loi de finances pour 2014 qui avait prévu un tel dispositif mais qui, à l'époque, avait été censuré par le Conseil constitutionnel.
Il précisait ensuite l'ensemble du dispositif et l'articulation entre les articles L. 64, L. 64 A et L. 64 B du Livre des procédures fiscales, faisant observer que le recours au rescrit (LPF, art. L. 64 B), possible pour écarter la procédure de l'abus de droit fiscal (LPF, art. L. 64), est peu opérationnel car long (l'Administration disposant d'un délai de 3 mois pour répondre) et risqué (par définition, la réponse est incertaine).
Pour M. Fruleux, 2019 devrait constituer une bonne année pour les praticiens, qui pourront prévoir des dispositifs d'optimisation fiscale échappant à cette nouvelle procédure ne s'appliquant qu'aux actes passés à compter du 1er janvier 2020. Puis, non sans malice, il interrogeait l'assemblée sur le risque d'un abus de droit consécutif à l'utilisation d'un dispositif anti-abus...
Me Hollander s'attelait quant à lui à la notion de « motif fiscal principal », jamais définie alors que de nombreuses règles anti-abus y font déjà référence.
Si derrière le terme de « motif principal » on peut comprendre qu'il s'agit du premier motif parmi d'autres, selon lui il semble alors prudent de rédiger un exposé détaillé de l'ensemble de ces motifs, constituant des mobiles multiples, variés et équilibrés. Cette pratique vertueuse permet :
de se ménager une preuve ;
de constituer un élément dissuasif pour l'Administration ;
et d'offrir un indicateur pour le juge.
Tout en rappelant les récentes mesures introduites par la loi relative à la lutte contre la fraude du 23 octobre 2018 (name and shame, fin du « verrou de Bercy » et amende encourue par les conseils), Me Hollander soulignait les raisons de garder espoir en une interprétation restrictive de l'abus de droit fiscal car :
une interprétation extensive encourrait le risque de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionalité ;
c'est à présent sur l'Administration que pèse la charge de la preuve, l'avis du Comité d'abus de droit n'influençant plus cette dernière ;
le communiqué de presse du 19 janvier dernier du ministère de l'Action et des Comptes publics se voulant rassurant en matière de transmissions anticipées de patrimoine, notamment les donations avec réserve d'usufruit, donne un signale en ce sens.
Réflexions sur quelques schémas juridiques au regard du nouvel abus de droit
Pour conclure cette matinale, une vision plutôt rassurante était apportée par les intervenants car seules les mesures déjà fragiles le seraient davantage encore.
Six schémas juridiques étaient alors offerts à titre d'illustrations pratiques d'optimisation fiscale, à savoir :
la donation avant cession et quasi-usufruit ;
le dispositif d'apport-cession ;
l'option fiscale de l'assujetissement à l'impôt sur les sociétés des sociétés civiles ;
l'animation d'une holding de groupe avant la transmission ;
le démembrement de propriété de l'immobilier professionnel ;
et le démembrement de propriété de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie.
(par Liliane Ricco)
Rédaction Lextenso