Mustapha Mekki : un universitaire à la tête de l'INFN, la grande école du notariat

Ref : Defrénois 20 juin 2019, n° DEF149n5, p. 13

Lors du 115e congrès des notaires, le président Humbert a évoqué le choix d'un universitaire à la tête de l'INFN. Pourquoi ce choix ?

M. Mekki. Le président Humbert a choisi un universitaire car il a bien conscience que l'École du notariat se caractérise par ce lien très étroit qui existe entre les notaires et les universitaires. Pour preuve, le diplôme délivré est un diplôme universitaire. Et je crois que c'est d'abord, d'une manière symbolique, pour montrer qu'il attachait une importance particulière à ce lien. Comme il s'agissait de proposer un projet de réforme pour la formation des notaires, avec une dimension tant pédagogique que scientifique, il pensait certainement qu'un universitaire était la personne la mieux placée pour encadrer ce processus de réforme.

Cependant, je ne suis pas le seul à réfléchir au contenu de cette réforme. Un universitaire a été nommé comme directeur général, mais à mes côtés se trouvent Xavier Daudé, le directeur général délégué, qui gère tout l'aspect administratif, et surtout Jézabel Jannot, la directrice pédagogique, qui a une très longue expérience dans le domaine de la formation et qui a déjà travaillé sur la réforme.

Il faut souligner que cette réforme va passer entre les mains de l'Association des directeurs de masters de droit notarial et ce sont surtout eux avec l'équipe du Conseil supérieur du notariat qui sont à l'origine des premières propositions. Le projet final ne se fera pas sans leur accord. Ils ont un rôle déterminant à jouer.

Quant à moi, j'ai plutôt un rôle d'interface, de chef d'orchestre. J'essaye donc de mettre en forme ces propositions et celles à venir car nous en sommes au stade de simple projet, le processus de réforme est en cours.

Et pourquoi vous en particulier ?

Cela fait près de 15 ans que j'enseigne aux étudiants notaires, à la fois en voie professionnelle et en voie universitaire, et je me suis investi dans la profession depuis de nombreuses années, aussi bien sur le plan pédagogique que sur le plan scientifique.

J'ai également une importante expérience dans la formation continue des notaires mais aussi des autres professionnels du droit, ce qui me paraît important pour l'avenir de la profession.

Je crois, avec le temps, que s'est installée une relation de confiance avec les instances.

C'est pourquoi ma candidature a été soutenue et que mon nom a été proposé à l'INFN. Et c'est ensuite le Conseil d'administration de l'INFN, présidé par Jean Richard de la Tour, qui m'a nommé à la tête de l'École.

C'est donc surtout mon expérience et mon expertise qui ont été déterminantes.

Pouvez-vous nous faire un point d'étape sur la réforme en cours ?

En effet, il ne s'agit à ce jour que d'un projet, qui doit faire l'objet de discussions avec les directeurs de master 2 et le CSN.

Notre réflexion est inspirée par notre souhait de coller aux qualités du notaire : officier public d'abord, expert juridique, ensuite, et chef d'entreprise, enfin. Les trois cycles de la formation correspondraient alors à ces trois temps.

Dès le premier cycle, durant lequel les étudiants ne sont pas en stage, il sera opportun d'intégrer des ateliers numériques afin de les sensibiliser à tous les outils numériques. Le but est de faire entrer des Legaltech, mais uniquement celles labélisées par le CSN, et les logiciels classiques, avec une égalité de représentation (Fiducial, Genapi, Fichorga, notamment), afin que les étudiants puissent, dès leur arrivée à l'étude, les maîtriser. Et cela ne signifie pas qu'ils sachent utiliser l'outil en étant passifs, mais nous veillerons à ce que la formation consiste à leur permettre d'enrichir ces outils. Les formateurs ne seront donc pas là pour placer leur produit mais pour expliquer comment l'utilisateur peut y apporter une valeur ajoutée.

Il est aussi nécessaire qu'il y ait beaucoup d'international et cette matière sera, plus qu'actuellement, diluée dans l'ensemble de la formation.

Et également le fiscal, qui occupe une place encore limitée dans la formation, et sur lequel, là aussi, nous allons insister au cours de la formation. Le droit fiscal doit être intégré tout au long du deuxième cycle, le cycle des semestrialités.

À quelle date devrait aboutir la réforme ?

À partir du mois de septembre, nous allons commencer à discuter du fond avec l'Association des directeurs de masters. Si le projet qui est proposé les satisfait, cela peut aller très vite. Si ce n'est pas le cas, il y aura des échanges afin de trouver ce qui convient à ces directeurs car ils sont les personnes les mieux placées pour savoir ce que pourrait être ce diplôme.

Puis il y aura une présentation au CSN, qui a également son mot à dire puisqu'il ne dirige pas la réforme mais a un avis à donner sur ce que deviendra le notaire de demain. C'est donc la moindre des choses.

Et si tout va bien, on peut espérer qu'à la fin 2020, la réforme ait abouti.

Temporairement, il y aura donc un chevauchement dans le temps entre l'ancien système, qui concerne tous ceux qui se seront inscrits avant la réforme, et le nouveau régime.

Quels sont les enjeux de cette grande école du notariat ?

En interne, l'objectif est d'adapter la formation à son environnement. Et le but est de repenser une formation qui, toujours de qualité, a un peu vieilli en raison des évolutions rapides, aussi bien sur le plan international − le 115e congrès en témoigne −, qu'en ce qui concerne les nouvelles technologies qui obligent le notariat à repenser sa manière de travailler et l'organisation de la profession.

Il faut donc aussi repenser la formation par rapport à cet environnement.

Ainsi, la réforme de l'École vise notamment à réintégrer ces éléments internationaux, les outils numériques et à faire en sorte que ce soit toujours une formation, pas simplement moderne, mais qui réponde aux besoins des clients, à la sécurité juridique, aux exigences de l'acte authentique qui doit, lui aussi, s'adapter.

Il y a également un enjeu qui est externe : le rayonnement de l'École.

Le but, en créant cette structure unique qu'est l'INFN, est d'en faire une grande école, avec une formation d'excellence, et, comme toute grande école, il ne suffit pas qu'elle ait un bon fonctionnement, il lui faut aussi un rayonnement.

L'objectif qui m'a été confié, avec la directrice pédagogique et avec Xavier Daudé, c'est d'assurer le rayonnement de cette École sur le plan international, faire en sorte qu'il y ait une identité, que l'INFN soit visible à l'international. Déjà sur le plan national, à l'occasion de ce 115e congrès, beaucoup de personnes sont venues s'informer sur le stand de l'INFN. Il faut développer cette « marque » qu'est l'INFN au-delà de nos frontières.

Sur le plan scientifique, nous souhaitons mettre en place des journées qui montrent que l'INFN est aussi un lieu de réflexion, un lieu de propositions. Ainsi, nous allons notamment organiser :

  • Les Journées Expert, sur des sujets transversaux, comme « Le notariat et le monde de l'entreprise » qui se tiendra le 23 septembre prochain ;

  • Les Journées Actualités, sur un sujet d’actualité traité en 2 heures par un binôme notaire/universitaire ;

  • Les Journées Citoyennes, que j'ai à cœur de développer, dont l'objet est de coller au calendrier citoyen afin de montrer que le notaire est, certes, un chef d'entreprise mais, avant tout, un officier public investi dans des missions d'intérêt général et un acteur de la société civile. C'est pourquoi la Journée du 1er octobre 2019, journée mondiale des personnes âgées, évoquera « Le notariat et le client âgé » et le 17 octobre 2019, journée mondiale de lutte contre la misère, « Le notariat et la lutte contre la misère » en partenariat avec l'association ATD Quart Monde et l'association Habitat et Humanisme.

Il est important de souligner que le notaire a d'abord des devoirs en tant qu'officier public, mission et actions qu'il faut rendre plus visibles.

L'INFN doit être une vitrine du notariat et montrer que la formation est vraiment l'avenir de la profession.

Comment cette grande école va-t-elle se positionner par rapport aux écoles des avocats et de la magistrature ?

On s'est rendu compte que, dans les manifestations dites institutionnelles ou scientifiques, on invitait souvent le représentant de l'école des avocats, le représentant de l'école de la magistrature mais assez peu les représentants de l'école du notariat. Cela s'expliquait à l'époque parce qu'il n'y avait pas une école du notariat.

Maintenant que cette école existe, ses interventions sont plus fréquentes. Ce fut le cas aux soixante ans de l'ENM en mai. Ce sera le cas le 27 juin lors de journée organisée à la Grand'chambre de la Cour de cassation par le Haut conseil des professions du droit.

Cela permet d'avoir une égalité de représentation et de pouvoir échanger avec les directeurs, comme par exemple avec Pierre Berlioz, qui est le directeur de l'EFB, sur l'avenir de nos professions et donc de nos formations.

Ainsi, nous avons bien compris tous les deux que l'enjeu est de disposer d'une bonne formation pour avoir de bons juristes. Et si, dans le passé, il y a eu un discours utopique sur une profession unique et une formation unique, ce n'est plus le cas aujourd'hui, conscients qu'il existe une menace commune que sont ces grandes multinationales étrangères qui considèrent le droit comme un simple produit sur un marché juridique.

Nous avons donc dorénavant une mission commune : que le droit reste une prestation pas comme les autres, une activité d'intérêt général, exercée par des juristes compétents.

L'objectif avec cette école du notariat, c'est d'être plus visible et de pouvoir davantage collaborer avec les autres professions. C'est la raison pour laquelle nous allons mettre en place des partenariats, avec les avocats, pour des formations continues, ce qui est déjà le cas dans certaines chambres pour le divorce par consentement mutuel, et avec l'ENM, puisqu'avec la loi de programmation énormément de champs de compétences sont transmis au notaire qui devient un collaborateur encore plus privilégié du magistrat, d'où l'intérêt de ces formations communes.

L'INFN c'est aussi une équipe que vous souhaitez mettre à l'honneur. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Je souhaite en effet souligner la qualité de l'équipe de l'INFN :

  • son président, Jean Richard de la Tour, premier avocat général à la Cour de cassation, qui toujours nous encourage et se montre très enthousiaste sur tous les projets ;

  • son directeur général délégué, Xavier Daudé, qui assure tout l'aspect administratif afin que l'INFN soit doté d'une véritable direction bicéphale ;

  • Jézabel Jannot, sa directrice pédagogique, qui fait un travail remarquable sur la pédagogie et les activités scientifiques ;

  • Monique Deval, directrice de Cabinet, véritable tour de contrôle qui gère toutes les formations ;

  • Françoise Roche, directrice de site et responsable de la communication ;

  • Élodie Osterlynck, directrice de site et responsable des études et de la vie étudiante ;

  • les professeurs Philippe Pierre, chargé des relations internationales, et Hubert Bosse-Platière, chargé des relations avec l'Université.

À cet ensemble s'ajoute une équipe administrative extrêmement compétente (Stéphanie Coulon, directrice des RH, Valérie Gonthier, responsable administrative, et Lobna Abahassoune, responsable administrative et financière) et un secrétariat toujours disponible.

En somme, nous avons des conditions idéales pour le bon fonctionnement et le plus large rayonnement d'une École d'excellence.

(Propos recueillis par Liliane Ricco)

Rédaction Lextenso

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