Romual Meigneux
« Le site dédié à la médiation de la consommation dans le notariat a été ouvert au public le 16 avril 2018 après mon référencement comme médiateur de la consommation par décision de la Commission d’Évaluation et de Contrôle de la Médiation de la Consommation – CECMC – du 16 février 2018.
Il convenait donc que s’écoule une année de pratique afin que le premier Rapport annuel prescrit par l’article R. 614-2 du Code de la consommation puisse être élaboré. Il sera probablement suivi d’un rapport établi sur les seuls éléments chiffrés de l’année 2019 afin de s’inscrire dans un cycle annuel calendaire.
Ce premier rapport fournit un certain nombre d’informations sur le notariat, la médiation de la consommation dans le notariat et certaines données chiffrées qui se situent, à ce stade, dans l’absolu, faute d’éléments de comparaison.
Il sera intéressant de les comparer, le moment venu, à celles qui découleront des rapports à venir. Elles permettront alors d’apprécier les évolutions qui procèderont des relations entre les clients et les notaires en situation d’incompréhension ou de conflit.
Elles seront signifiantes pour évaluer l’utilité et l’efficacité de ce mode de tentative de résolution des conflits, dans les rapports professionnels spécifiques entre un client et un notaire, compte tenu de la singularité du statut et de la mission du notaire. », Me Christian Lefebvre, Médiateur du notariat.
La médiation de la consommation et le notariat
« Le médiateur de la consommation dans le notariat ne se substitue pas aux prérogatives des chambres des notaires »
La médiation de la consommation procède de la transposition en droit français d’une directive de l’Union européenne du 21 mai 2013 relative aux règlements extrajudiciaires des litiges de consommation (RELC) par une ordonnance du 20 août 2015. Elle a été rendue obligatoire pour toutes les entreprises à partir du 1er janvier 2016 s’agissant de tout litige entre un consommateur, le client et un professionnel.
A priori, rien ne permet d’exclure l’activité notariale du champ d’application de la médiation de la consommation. Elle est sans conteste applicable aux professions libérales dès lors, en outre, que le notaire « fournit un service ».
Il a cependant été convenu que devaient être exclues de ce processus – compte-tenu du statut particulier d’officier public du notaire et des obligations qui en résultent – les réclamations « purement déontologiques ». Il s’agit des doléances sans demande indemnitaire de la part du client et susceptibles, le cas échéant, de mener à une action disciplinaire à l’encontre du notaire.
Il appartient dès lors au Médiateur du notariat de faire la distinction entre la nature et les conséquences prévisibles des demandes dont il est saisi. Il doit en informer sans délai le client s’il apparaît que la demande ne relève pas, à ce titre, du périmètre de sa mission.
Le nouveau médiateur de la consommation dans le notariat ne se substitue pas aux prérogatives des chambres des notaires en matière de contrôle de l’exercice des notaires, de discipline et de traitement des réclamations des clients. Il s’agit d’un droit nouveau mais non d’une obligation.
Il est désormais offert aux clients en conflit ou en simple désaccord avec un notaire, une possibilité de choisir une tentative de médiation réglementée plutôt que d’adresser une réclamation au président de la chambre des notaires, voire d’en saisir le procureur de la République.
Avec le développement de la connaissance de son existence et des résultats qu’elle permet d’obtenir, il est donc certain que le nombre de saisines de la part des clients augmentera.
Les réclamations adressées aux chambres des notaires et les actions judiciaires en responsabilité civile professionnelles à l’encontre des professionnels devraient s’amenuiser d’autant.
Certains litiges se résoudront donc dans un contexte plus consensuel permettant de maintenir ou de rétablir le lien de confiance entre le client et le notaire.
Les avis que le Médiateur du notariat est invité à émettre seront progressivement pris en considération par les notaires.
Chacun y trouvera son compte.
Le Médiateur du notariat
« La médiation de la consommation est gratuite pour le client et pour le professionnel »
Il est apparu que le notariat et ses clients avaient probablement avantage à ce que leur médiateur national connaisse les règles et les habitudes de la profession.
Il était souhaitable qu’il soit rompu aux relations avec la clientèle du notariat plutôt que de s’en remettre à un médiateur externalisé inadapté à ce secteur d’activité très particulier.
La médiation de la consommation se distingue de la médiation conventionnelle ou judiciaire en ce qu’elle aboutit parfois à l’émission d’un avis et souvent à celle d'une proposition de médiation de la part du médiateur. Elle se rapproche en cela de la conciliation.
En outre, l’exercice de la médiation de la consommation dans la branche professionnelle permettra immanquablement au médiateur de faire des propositions et d’émettre des avis tendant à améliorer la « relation client » à la lumière des demandes et des situations auxquelles il aura été le plus souvent confronté.
C’est la raison pour laquelle les instances de la profession ont proposé à Me Christian Lefebvre (v. présentation ci-après), avec l’indépendance qu’elle implique, de créer cette fonction.
Cette proposition a été agréée par l’assemblée générale du Conseil supérieur du notariat. Il convenait dès lors d’obtenir le référencement par la CECMC.
Le 16 février 2018, la CECMC, à la suite d’une audition, l’a inscrit sur la liste des médiateurs de la consommation au titre du notariat puis a notifié cette décision à la Commission européenne.
Le mandat du médiateur de la consommation est d’une durée minimale de 3 ans.
Le processus de médiation
« La médiation est une démarche libre et volontaire »
Dorénavant, le client peut donc choisir le recours au Médiateur du notariat plutôt que la réclamation à la chambre des notaires ou la plainte au procureur de la République.
Cette possibilité n’est pas encore très connue des clients, ni parfois même des notaires. Ceux-là, cependant, ont été très sensibilisés sur l’obligation qu’ils ont de faire connaître à leur clientèle « par tous moyens appropriés » (affichette dans la salle d’attente de l’étude, indication sur le site internet, mention en bas de page du papier à entête de l’étude…) cette possibilité d’avoir recours au Médiateur du notariat en cas de litige avec eux. Il est évident que le développement de la connaissance de ces tentatives de règlement amiable des conflits et de ses vertus ne manquera pas d’augmenter le nombre des saisines dans l’intérêt des clients et des professionnels.
Le client qui entend formuler une demande de médiation a tout avantage à le faire au moyen du site internet dédié : mediateur-notariat.notaires.fr. Il sera guidé dans sa demande et évitera des oublis susceptibles de générer des retards ou des rejets.
Il y trouvera les réponses aux questions suivantes :
Qu’est-ce que la médiation ?
Quand saisir le médiateur ?
Qui est le médiateur ?
Comment se déroule la médiation ?
Il peut ainsi accéder en ligne au formulaire de demande ou le télécharger, le remplir et le renvoyer : soit au médiateur par internet ([email protected]), soit par voie postale (Médiateur du notariat – 60, boulevard de La Tour Maubourg – 75007 Paris).
Le processus de médiation est dématérialisé et se déroule en langue française :
1. Lorsque le questionnaire est parvenu, complété, au service du Médiateur, le client en est informé. Après un premier examen, la demande du client est évaluée.
2. Dans un délai généralement très inférieur à 3 semaines, le client se voit notifier soit la recevabilité, soit le rejet motivé de sa demande de médiation (lui sont alors indiquées les autres voies de réclamations). Il peut également lui être précisé que si sa réclamation au notaire date de moins de 2 mois, sa demande est suspendue durant ce délai d’usage laissé raisonnablement au notaire pour formuler sa réponse.
3. Si la demande est recevable, le notaire en est alors informé par courriel. Lui sont notifiés le nom du client et le motif du différend. Il lui est demandé, pour autant qu’il accepte le principe de la médiation, de communiquer ses explications et les pièces utiles au traitement de la demande. Recommandation lui est faite de se rapprocher sans délai de son assureur en responsabilité civile professionnelle mais, la médiation étant une démarche libre et volontaire, il peut ne pas accepter d’entrer dans ce processus ou, comme le client, s’en retirer à tout moment. Il dispose d’un délai de 3 semaines pour communiquer sa réponse.
4. Si le notaire estime ne pas devoir ou ne pas vouloir accepter le principe de médiation ou s’il n’a pas répondu à une relance à ce sujet, le client en est informé et ce dernier peut se rapprocher de la chambre des notaires, voire du procureur de la République pour faire valoir sa réclamation.
5. Au terme de l’analyse de la situation et des échanges ayant permis une bonne compréhension des positions du client et du notaire, chacun reçoit du Médiateur une proposition de médiation. Elle intervient généralement avant l’expiration du délai réglementaire de 90 jours. Cette signification rappelle que chaque partie peut l’accepter ou la refuser, qu’elle n’exclut pas une possibilité de recours devant une juridiction et qu’elle peut être différente de celle qui procéderait d’une décision judiciaire. Les parties disposent alors d’un délai de 15 jours ouvrables pour faire connaître leur position, ayant été précisé que leur silence au terme du délai vaudra refus de la proposition.
6. À cette signification de proposition est joint un modèle d’acceptation à retourner, le cas échéant, au Médiateur, acceptation qui met fin au processus de médiation. La proposition de médiation acceptée par chacun doit alors être exécutée de bonne foi.
Les chiffres de la médiation de la consommation dans le notariat
Nombre de litiges dont le Médiateur a été saisi : 1078.
842 demandes ont fait l’objet d’une déclaration au notaire concerné selon le processus agréé.
236 demandes (soit 22 %) n’ont pas été enregistrées comme telles pour les raisons suivantes :
43 demandes immédiatement traitées positivement par un appel téléphonique du Médiateur au notaire ;
95 ne concernaient pas la médiation ;
18 présentées trop tôt par rapport à la lettre adressée au notaire ;
12 conflits remontant à plus d’un an ;
22 litiges déjà traités par la chambre des notaires ou le procureur de la République ;
6 renvois directs à la chambre des notaires ;
33 renvois du dossier pour complément d’informations ;
7 copies de réclamations sans demande de médiation.
699 processus sont parvenus à terme ou ont été interrompus :
36 par arrêt du processus de la part du client généralement par suite de la satisfaction obtenue sans délai ;
201 par refus explicite du notaire d’accepter le processus ;
193 par refus tacite du notaire faute de réponse à la demande ;
123 par acceptation de la demande du client par le notaire à réception de la notification de la saisine et, le cas échéant, après entretien avec le Médiateur ;
108 par la formulation d’une proposition de médiation ;
38 dossiers sont demeurés sans suite, la plupart du fait du client.
143 dossiers sont toujours en cours de traitement : délai d’acceptation ou de refus, attente d’informations ou de pièces…
231 dossiers sont effectivement entrés dans le processus.
La durée moyenne nécessaire à la résolution des litiges est de 59 jours. Cependant, un bon nombre de médiations sont achevées dans un délai relativement plus court.
Sur les 108 propositions de médiation émises, 55 l’ont été en faveur du consommateur et 32 l’ont été en faveur du professionnel. Les autres propositions étaient objectivement équilibrées entre les deux parties. Il convient de souligner que le Médiateur du notariat est rémunéré exclusivement par la profession et ces chiffres prouvent son indépendance.
Nombre de litiges résolus à l’amiable :
202 (36 après proposition de médiation, 123 en cours de médiation et 43 avant l’ouverture du processus) ;
sur les 935 demandes définitivement traitées (1078 - 143), le taux de réussite de la médiation est de 21 % ;
sur les 231 dossiers entrés dans le processus, le taux de réussite est de 68 % ;
62 propositions de médiation ont été expressément refusées soit par le client, soit par le notaire, soit par les deux parties.
10 propositions de médiation n’ont pas encore reçu de réponse.
Dans 201 cas, le notaire a refusé de participer à la médiation, auxquels s'ajoutent 193 refus implicites de sa part par suite du défaut de réponse aux demandes réitérées du Médiateur d’accepter ou non le processus de médiation. Les causes de ces refus sont essentiellement :
la crainte, pour le notaire, de voir l’acceptation du principe de médiation assimilée à une reconnaissance de responsabilité civile professionnelle ;
souvent l’impression, pour le praticien, de vivre une injustice de la part du client qui viendrait chercher une indemnisation indue alors qu'il estime avoir rempli sa mission avec toute la diligence requise ;
une certaine confusion entre le Médiateur et un représentant du client ou entre le Médiateur et une autorité susceptible de sanctionner, ce qui n’est pas le cas ;
la certitude de son bon droit et le refus de perdre du temps avec une tentative de médiation alors qu’il est certain de ne pas être inquiété en cas de recherche, d’une autre manière et particulièrement devant le juge, de sa responsabilité civile professionnelle ;
pour certains, la méconnaissance du processus de médiation de la consommation dans le notariat dont ils ignorent encore l’existence légale et dont ils ne perçoivent pas l’intérêt.
Préconisations du Médiateur
Concernant les clients
Il est recommandé aux clients de s’engager dans une opération notariale en ayant compris son déroulement et intégré ses conséquences. Cette précaution éviterait nombre de surprises.
Si un notaire ne répond pas aux demandes, il est lui est conseillé de se ménager la preuve de ses sollicitations successives.
Si une demande de médiation est envisagée, il est précieux, dès l’envoi au Médiateur de la réponse au questionnaire d’usage, d’y joindre la documentation nécessaire à l’analyse de la saisine. La demande doit être claire, complète et les griefs qu’elle rapporte précisément énoncés.
En cas de demande d’intervention du Médiateur, il ne faut pas adresser concomitamment de réclamation à la chambre des notaires compétente. Cette réclamation serait une cause d’irrecevabilité de la demande de médiation.
Si une demande est formulée pour le compte d’une autre personne, il est recommandé de justifier de l’accord ou du pouvoir donné par cette autre personne.
En cas de demande de médiation, il convient de respecter le délai légal inférieur ou égal à 1 an à compter de la première réclamation écrite faite directement au notaire sur ce sujet. Il convient également de respecter celui, raisonnable et recommandé, de 2 mois qui lui est laissé pour répondre à cette première réclamation écrite afin que la demande soit formellement recevable.
Concernant les notaires
Si tous les notaires répondaient, et en temps convenable, aux demandes écrites ou orales qui leurs sont faites, le nombre de réclamations diminuerait probablement de moitié.
Ce n’est pas un travers spécial au notariat, mais l’image de la profession, et particulièrement de certaines études, en est affectée. Nos concitoyens supportent de moins en moins « d’attendre » sans raison explicable ou expliquée, alors que tout notre environnement s’organise pour que les relations et l’information puissent être les plus fluides possibles.
De même, afin d’éviter d’autres voies de recours, il est recommandé aux notaires pressentis de répondre dans les délais prescrits et indiqués aux demandes du Médiateur.
Lorsqu’un notaire reçoit du Médiateur une demande de médiation de la part d’un client, il est utile qu’il contacte, sans délai, l’assureur de la profession en responsabilité civile professionnelle afin de pouvoir faciliter sa réflexion sur l’acceptation ou le refus du processus de médiation.
Si le notaire accepte d’entrer dans le processus de médiation, il convient qu’il fasse part de ses interrogations, de ses arguments en réponse et qu’il communique au Médiateur les justificatifs nécessaires à l’appui de sa position dans les meilleurs délais.
Lorsqu’un notaire reçoit une réclamation d’un client, il a tout avantage à y répondre sans délai et à lui fournir clairement les explications crédibles. Il m’est apparu, à de nombreuses reprises à la suite d’une demande de médiation, qu’un simple appel téléphonique au client, qui en est alors surpris et content, permettait de rétablir la situation fondée sur une incompréhension ou un malentendu susceptible, avec le temps, de dégénérer en sinistre.
Lorsqu’un notaire fait l’objet d’une demande de médiation, qu’il ne refuse pas, par principe, d’en accepter le processus. Je confirme qu’il ne s’agit pas d’une reconnaissance de responsabilité et qu’à l’issue de la médiation acceptée par les deux parties, le client retrouve en son notaire la confiance qui avait été ébranlée. L’analyse, par le Médiateur, de la situation et des arguments de chacun n’est ni consumériste ni corporatiste, elle est objective et indépendante et permet donc le rétablissement de relations professionnelles apaisées.
Il est rappelé aux notaires qu’ils doivent faire connaître à leur clientèle, par tous moyens appropriés donc justifiables, sa possibilité d’avoir recours au Médiateur du notariat en cas de conflit avec eux et de lui indiquer comment le contacter. La méconnaissance de cette obligation est sanctionnée par une amende administrative.
(Rapport du Médiateur du notariat, juin 2019 – médiateur-notariat.notaires.fr)
Rédaction Lextenso