Le rapport « Tendances et analyse des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme », publié chaque année par Tracfin, analyse les principaux cas de fraudes et de risques émergents traités par le service. L’édition 2018/2019 se concentre sur certains domaines sensibles et met en évidence la poursuite des efforts de Tracfin sur ses axes fondamentaux.
Le traitement des réquisitions judiciaires par Tracfin
Le nombre de réquisitions judiciaires adressées à Tracfin croît chaque année, avec une hausse particulièrement importante en 2018 (174 réquisitions, + 87 % par rapport à 2017). La majorité des réquisitions judiciaires traitées par le service portent sur des escroqueries et le trafic de stupéfiants.
Les réponses de Tracfin comprennent :
les informations dont dispose le service, notamment sur l’identité et l’environnement financier, fiscal et douanier des personnes physiques et morales citées ;
les informations contenues dans des déclarations de soupçon (DS) ou des transmissions judiciaires ou administratives lorsque les personnes ont déjà fait l’objet d’investigations ;
et les informations transmises par des homologues étrangers ou issues des communications systématiques d’informations (COSI).
La poursuite des efforts de Tracfin sur ses axes fondamentaux
La criminalité organisée. Les groupes criminels les mieux organisés et établis de longue date sur le territoire national peuvent avoir un rayon d’action international et recourir à des circuits de blanchiment transnationaux, complexes et difficilement traçables, dont la France n’est souvent qu’un maillon. Tracfin observe cependant que certains vecteurs de blanchiment persistent. Ils concernent notamment l’utilisation de structures commerciales pour l’injection de fonds, des investissements immobiliers et le recours au secteur des jeux et paris sportifs.
Le devoir de probité. L’analyse des risques confirme cette année la vulnérabilité du secteur immobilier − en particulier l’immobilier de luxe − comme vecteur privilégié de blanchiment de sommes obtenues par corruption ou détournement, par des « personnes politiquement exposées » (PPE) étrangères. Elle confirme également la vulnérabilité de certains secteurs économiques dans les transactions commerciales internationales.
Le degré de vulnérabilité de ce secteur rappelle la nécessité, pour les professionnels concernés, d’exercer une vigilance accrue sur les transactions impliquant des montages complexes ou des PPE. Les notaires et professionnels de l’immobilier figurent parmi les premiers exposés à cette problématique.
La lutte contre les fraudes fiscales et sociales. Les types de fraudes les plus souvent cités sont l’exercice d’une activité non déclarée, la minoration de chiffre d’affaires, les donations non déclarées et la détention d’avoirs à l’étranger.
Les professionnels soumis aux obligations de vigilance sont encouragés à déclarer à Tracfin les opérations impliquant des montages complexes et des territoires offrant une fiscalité privilégiée. Les avantages fiscaux proposés par ces territoires attractifs favorisent l’implantation de sociétés de domiciliation à des fins de fraude fiscale.
Parmi les techniques utilisées par les personnes physiques figurent l’abus de droit, la manipulation de cours et les dons manuels pour masquer des apports en fonds propres.
Le rapport souligne également le caractère toujours endémique des fraudes à la TVA, qui constituent un enjeu financier de premier ordre.
Les spécificités des DROM-COM. Les départements ou régions français d’outre-mer (DROM) et les collectivités d’outre-mer (COM) sont exposés à des risques de blanchiment de capitaux particuliers, notamment à travers le détournement des dispositifs d’incitation à l’investissement et le blanchiment du produit du trafic de stupéfiants.
Le rapport souligne que le notariat déclare de façon satisfaisante à La Réunion, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy même si des disparités existent selon les études. À La Réunion, 7 études sur 27 ont émis des DS, pour un total de 71 déclarations en 5 ans. Les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy totalisent près de 100 DS en 5 ans, chiffre élevé compte tenu de leur taille. Ceci montre que les professionnels sont conscients des risques de blanchiment induits par les transactions immobilières sur ces deux territoires.
En Polynésie et en Guadeloupe, les notaires déclarent timidement. 3 études sur 5 ont déclaré en Polynésie (16 DS), et 4 études sur 18 ont déclaré en Guadeloupe (8 DS). Dans les autres territoires, en revanche, le flux déclaratif est quasiment nul. La situation est dégradée en Martinique (13 études pour seulement 2 DS en 5 ans). La Nouvelle-Calédonie affiche 6 études pour 3 DS, et la Guyane 4 études pour 1 DS.
La lutte contre le terrorisme et son financement. En 2018, Tracfin a traité 1 718 déclarations portant directement sur des soupçons de financement du terrorisme (+ 25 %) et externalisé 1 038 notes (+ 52 %), dont 899 aux services de renseignement et 139 aux services judiciaires. Le service concentre notamment son effort sur la détection de signes de radicalisation et le détournement d’activités économiques à des fins de financement du terrorisme.
Un enjeu croissant, la cybercriminalité financière
Le rapport présente également les enjeux liés à une forme de criminalité nouvelle et en plein essor, la cybercriminalité financière. Le contexte de numérisation des services de paiement et des relations d’affaires favorise une exposition importante des acteurs économiques aux fraudes et usurpations d’identité, notamment dans les secteurs des cryptoactifs, du financement participatif et de la banque en ligne. L’usage des cryptoactifs s’étend, de plus en plus, y compris à des fins de blanchiment pour dissimuler le produit d’escroqueries.
(www.economie.gouv.fr/tracfin, communiqué de presse n° 899, 10 déc. 2019)
Lextenso Rédaction