La chambre des notaires de Paris, reconnue pour ses capacités d’innovation, son dynamisme et sa créativité dans le domaine numérique, mobilise en permanence notaires et experts pour concevoir des applications répondant aux exigences de la pratique notariale.
Aujourd’hui, elle s’engage, aux côtés de la Banque des Territoires et la société Hyperlex, dans un très ambitieux chantier d’intelligence artificielle baptisé VictorIA, du nom de l’adresse postale de la chambre des notaires de Paris.
Pour accélérer ses capacités de recherche et développement, la chambre des notaires de Paris a créé en 2018 un fonds d’innovation, actuellement doté de 6,2 millions d'euros. Ainsi, les notaires investissent collectivement pour mieux appréhender les évolutions technologiques et conserver la maîtrise de leur utilisation par la profession, ce qui est nécessaire afin de répondre aux lourdes contraintes des demandes de la clientèle et des pouvoirs publics et aux évolutions sans précédent de notre système d'information. Grâce à ce fonds, et en lien avec la Banque des Territoires, le notariat parisien va développer de nouveaux outils numériques – notamment avec l'intelligence artificielle, la technologie blockchain –, pour enrichir son offre de services, améliorer sa qualité de service et réaliser des gains de productivité.
C'est dans ce cadre qu'est mené le projet VictorIA qui nous est présenté par Stéphane Adler, vice-président de la chambre des notaires de Paris, en charge des nouvelles technologies, et Alexandre Grux, co-founder et CEO de la société Hyperlex.
Qu'est-ce que le projet VictorIA ?
S. Adler. Le projet VictorIA, mené par la chambre des notaires de Paris, constitue un chantier innovant d'intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la prestation juridique.
Le premier chantier de VictorIA concerne les milliers de datarooms électroniques constituées par les notaires pour gérer les cessions d’actifs immobiliers. Le traitement de ces masses documentaires en croissance constante constitue actuellement au quotidien un défi organisationnel. Le recours aux algorithmes de l’IA permettra l’identification puis la classification de ces documents. De même, l’extraction automatique des contenus pertinents et les contrôles de cohérence associés permettront aux notaires de gagner en efficacité pour se concentrer sur leur première expertise : la sécurité juridique de leurs dossiers pour leurs clients.
Le projet VictorIA permettra d’optimiser considérablement le traitement de données.
La chambre dispose d’atouts essentiels pour mener à bien ce projet : sa capacité à fédérer tous les notaires du Grand Paris pour l’accès à un volume de données notariales et immobilières considérable et en progression constante.
La chambre des notaires de Paris s’est associée à la société Hyperlex, experte dans les technologies d’intelligence artificielle. Elle a déjà collaboré avec succès avec cette société pour l’application VIDOC qui permet l'accès et la consultation d'une base de données immobilière référençant l’usage de tous les biens immobiliers localisés à Paris.
La Banque des Territoires soutient cette opération avec un financement à hauteur du tiers du coût de l’opération ; elle apporte également son aide et son expertise pour le développement de ce projet ambitieux qui s’inscrit dans le partenariat pour l’innovation établi en avril 2019 pour 3 ans avec la chambre des notaires de Paris afin de faire face aux enjeux de transformation de la profession notariale.
La mission de tiers de confiance pour le notariat est inscrite dans l’ADN de la Banque des Territoires qui a un rôle majeur dans la chaîne de la transaction immobilière et des successions puisqu’elle apporte la protection, sous l’égide du Parlement, des fonds confiés au service public de la justice. La Banque des Territoires accompagne les notaires dans leur transition numérique, à la fois dans leur fonctionnement interne notamment sur une gestion maîtrisée de leurs données et dans les services publics à destination des citoyens.
Elle investit dans des projets à caractère fortement innovant et notamment dans le traitement et la valorisation des données. Partenaire historique du notariat, c’est dans ce cadre que la Banque des Territoires apporte son concours à la réalisation du projet VictorIA.
Déjà expert en matière de gestion des datarooms les plus complexes, qu’elles soient publiques ou privées, le notariat du Grand Paris veut accélérer l’allure pour répondre aux défis de demain avec les moyens de demain. Loin d’être une menace, l’univers de l’IA peut être un vecteur de progrès pour le notariat s’il est maîtrisé et dirigé vers l’amélioration de l’approfondissement de ses métiers.
Ce projet de service public sera, pour la compagnie des notaires de Paris, un chantier collectif de développement par l’innovation.
S'agissant du financement, pouvez-vous revenir sur le fonds d'innovation et le partenariat avec la Banque des Territoires ?
S. Adler. Le fonds d’innovation est doté à hauteur de 6,2 millions d'euros pour financer des projets de recherche et développement – dont le projet VictorIA. Il pourrait à l’avenir, pourquoi pas, y avoir d’autres formes d’intervention du fonds, comme l’investissement en capital.
Par ailleurs, nous avons noué avec la Banque des Territoires un partenariat concernant l’innovation, et cette dernière est donc partie prenante de notre comité de sélection des projets. Dans le cas du projet VictorIA, la Banque des Territoires, sur notre proposition et dans le cadre des possibilités de notre partenariat, a décidé d’accorder une subvention de 50 000 € pour cofinancer à hauteur de 1/3 la phase d’études préalable et de preuve de concept (POC) du projet, ce dont nous nous réjouissons.
Quel est l'objectif de VictorIA ?
A. Grux. Grâce à l’IA, le notariat parisien va développer de nouveaux outils numériques pour enrichir son offre de services, améliorer sa qualité de service et réaliser des gains de productivité.
Le notariat fait face à de véritables challenges : traiter une masse documentaire toujours plus importante alors que les transactions immobilières s'accélèrent, sans négliger la relation et la mission de conseil des notaires auprès de leurs clients.
Dans ce contexte, la technologie d'IA est pertinente et complémentaire de l'homme : la puissance de l'IA permet de traiter des masses d'informations en un temps très court, tandis que l'intelligence émotionnelle de l'homme contextualise le résultat et l'adapte aux situations humaines particulières.
VictorIA est un projet ambitieux car la documentation associée aux mutations immobilières est très diverse (on l'estime à un millier de types de documents différents) et évolue régulièrement. Les documents analysés ont parfois plus d'une cinquantaine d'année et peuvent être difficilement lisibles.
Hyperlex mettra en œuvre sa technologie et son savoir-faire pour proposer une solution adaptée à ces difficultés et permettre d'évaluer le potentiel de ces technologies.
Quelles sont les étapes pour l'atteindre ?
A. Grux. Nous allons fonctionner par itération en commençant par traiter un premier lot de documents.
Des notaires partenaires du projet, ainsi que des étudiants en droit, analyseront ensuite les premiers résultats et corrigeront l'IA.
Notre IA est apprenante. Elle se basera sur ces corrections pour s'améliorer.
Nous ajouterons ensuite autant de nouveaux lots de documents que nécessaire pour atteindre la précision attendue par la profession.
Je pense que ce projet sera aussi une bonne expérience pour les professionnels qui pourront mieux comprendre et appréhender ces technologies en les expérimentant en pratique.
(Propos recueillis par Liliane Ricco)
Rédaction Lextenso