Pour son 2e petit-déjeuner du notariat, organisé le 12 février dernier, l’association du master 2 droit notarial de l’université Paris II Panthéon-Assas a choisi pour thème « L'ordonnance du 30 octobre 2019 portant réforme de la copropriété : quels impacts sur la pratique notariale ? ».
Présidée par le professeur Claude Brenner, cette matinée a été animée par Hugues Périnet-Marquet, professeur agrégé à l'université Paris II Panthéon-Assas, et Stéphane Lelièvre, notaire à Maisons-Laffite.
En application de l’habilitation donnée au gouvernement par la loi ELAN (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018), l’ordonnance portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis (Ord. n° 2019-1101, 30 oct. 2019) a été adoptée le 30 octobre 2019 et publiée au Journal officiel le lendemain (Defrénois 7 nov. 2019, n° 153s7, p. 5).
La plupart de ses dispositions entreront en vigueur dès le 1er juin 2020.
M. Périnet-Marquet indique que le droit de la copropriété s'est totalement transformé depuis l'adoption de la loi de 1965 (L. n° 65-557, 10 juill. 1965).
L'ordonnance poursuit cette évolution en redéfinissant notamment le champ d'application du statut de la copropriété. Ainsi, il est désormais prévu que ce statut s’applique à tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis à usage total ou partiel d’habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes.
Pour échapper à l’application supplétive du statut de la copropriété, les immeubles ou groupes d’immeubles bâtis à destination exclusive autre que d’habitation ou les ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des volumes, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles ou des volumes, bâtis ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs, doivent être régis par une convention y dérogeant expressément. Les notaires seront donc amenés à rédiger de telles conventions.
Me Lelièvre rappelle la définition du lot transitoire issue de l'article 206 de la loi ELAN. Il s'agissait d'un lot formé d'une partie privative constituée d'un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu'il permet de réaliser sur une surface déterminée du sol et d'une quote-part de parties communes correspondante. La création et la consistance du lot transitoire doivent être stipulées dans le règlement de copropriété. L'ordonnance supprime la référence à la réalisation de constructions « sur une surface déterminée du sol ».
Par ailleurs, le droit de priorité au profit de certains copropriétaires en cas de surélévation, prévu à l’article 35 de la loi, bénéficie désormais aux copropriétaires de locaux situés, en tout ou partie, sous la surélévation projetée. Il était jusqu’alors indiqué que ce droit bénéficiait aux copropriétaires de l’étage supérieur du bâtiment surélevé.
En outre, M. Périnet-Marquet présente diverses dispositions de l'ordonnance :
l’article 6-1 A interdit l’établissement de toute servitude sur une partie commune au profit d’un lot ;
l'objet du syndicat de copropriétaires vise désormais également l’amélioration de l’immeuble ;
le privilège immobilier spécial du syndicat des copropriétaires a été étendu aux créances de toute nature du syndicat à l'encontre d'un copropriétaire ;
en cas de cession de parties communes par le syndicat, une déduction par compensation est permise entre la part du prix de vente revenant au copropriétaire et les sommes exigibles par ce dernier au syndicat;
en cas d'inaction ou de carence du syndic, le président du conseil syndical peut, sur délégation expresse de l'assemblée générale, exercer une action contre le syndic, en réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires ;
la rémunération du syndic est déterminée de manière forfaitaire. Une rémunération spécifique complémentaire peut toutefois être perçue à l'occasion de prestations particulières ne relevant pas de la gestion courante ;
un syndicat secondaire peut être créé lorsque l’immeuble comporte plusieurs bâtiments ou plusieurs entités homogènes susceptibles d’une gestion autonome. La faculté de cette création est alors offerte aux copropriétaires dont les lots composent l’un ou plusieurs de ces bâtiments ou entités homogènes ;
tout copropriétaire peut désormais faire réaliser, à ses frais, des travaux pour l'accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble ;
un copropriétaire ne peut faire obstacle à l'exécution, même sur ses parties privatives, de travaux d'intérêt collectif régulièrement décidés par l'assemblée générale des copropriétaires, dès lors que l'affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives n'en sont pas altérées de manière durable ;
en cas d'indivision, les indivisaires sont représentés par un mandataire commun qui est, à défaut d'accord, désigné par le président du tribunal judiciaire saisi par l'un d'entre eux ou par le syndic ;
en cas d'usufruit, les intéressés sont, à défaut d'accord, représentés par le nu-propriétaire. En cas de pluralité de nu-propriétaire, le mandataire commun est, à défaut d'accord, désigné par le président du tribunal judiciaire saisi par l'un d'entre eux ou par le syndic ;
tout copropriétaire pourra demander la convocation et la tenue d'une assemblée générale, à ses frais, pour faire inscrire à l'ordre du jour une ou plusieurs questions concernant uniquement ses droits et obligations. Le demandeur devra assumer l'intégralité des frais de convocation et de tenue de l'assemblée générale dont il sollicite la convocation ;
certaines règles de majorité sont modifiées dans le sens d’un abaissement des majorités, par exemple pour la mise en place de dispositifs automatiques de fermeture de l'entrée des immeubles en copropriété ;
l’unanimité est imposée pour la modification des stipulations du règlement de copropriété relatives à la destination de l'immeuble ;
lorsque le conseil syndical est composé d'au moins trois membres, l'assemblée générale peut, par décision prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires, lui déléguer le pouvoir de prendre tout ou partie des décisions relevant de la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés, ou votant par correspondance.
M. Périnet-Marquet poursuit en expliquant les nouveautés en matière de procédure « de passerelle ». Désormais, lorsque l'assemblée générale des copropriétaires n'a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires, en application de l'article 25 ou d'une autre disposition, mais que le projet a recueilli au moins le tiers de ces voix, la même assemblée se prononce à la majorité prévue à l'article 24 en procédant immédiatement à un second vote. Le mécanisme en vigueur autorisant la convocation d'une nouvelle assemblée générale dans un délai rapproché, alors même que le projet n'a pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, avec un second vote à la majorité simple de l'article 24 est supprimé. Un second système de passerelle est institué ; il concerne la double majorité renforcée de l’article 26. Cette fois, si le projet a au moins recueilli l'approbation de la moitié des membres du syndicat des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, représentant au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même assemblée se prononce à la majorité des voix de tous les copropriétaires en procédant immédiatement à un second vote.
Me Lelièvre expose les allègements de formalités prévus pour les petites copropriétés. Ainsi, tout d'abord, pour les copropriétés composées uniquement de deux copropriétaires, d'importants aménagements sont apportés notamment pour la prise de décision.
En outre, lorsque la copropriété comporte au plus cinq lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, ou lorsque le budget prévisionnel moyen du syndicat des copropriétaires sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 €, le syndicat n'est pas tenu de constituer un conseil syndical. Il n'est pas astreint à tenir une comptabilité en partie double ; ses engagements peuvent être constatés en fin d'exercice.
Par ailleurs, hormis celles relatives au vote du budget prévisionnel et à l'approbation des comptes, les décisions peuvent être prises à l'unanimité des voix des copropriétaires à l'occasion d'une consultation écrite, sans qu'il soit nécessaire de convoquer une assemblée générale. Les copropriétaires peuvent également être consultés lors d'une réunion. La consultation est organisée par le syndic, à son initiative ou à la demande d'un copropriétaire. Lorsque tel a été le cas, la décision est formalisée au terme du délai fixé par le syndic pour répondre à la consultation.
Une difficulté est soulevée : les syndics doivent en effet mettre à l'ordre du jour de l'assemblée générale la mise en conformité du règlement de copropriété avec les dispositions de l'ordonnance, au plus tard le 28 novembre 2021. Cependant, aucune sanction n'est prévue. Ainsi, quid si cette mise en conformité n'est pas intervenue à échéance ou que l'assemblée générale la refuse ?
Pour conclure, M. Périnet-Marquet remarque que cette réforme n'est pas une révolution mais une évolution tranquille. Le Code de la copropriété prévu pour 2021 devrait consolider toutes ces mesures.
Honorine Moreno