Quel lien entre trust et GPA ? La question peut surprendre. Pourtant, le 27 février dernier, la « Matinale notariale » de Paris-Dauphine les a opportunément rapprochés pour deux raisons : tous deux donnent lieu à des difficultés d’intégration en droit interne et tous deux sont au cœur de la pratique notariale.
En effet, le trust doit-il être traité comme une libéralité ? Qu’en est-il de la publicité foncière ? Le notaire doit-il rechercher des héritiers issus d’une GPA à l’étranger ? De qui ces derniers sont-ils les héritiers ?
Pour répondre à ces questions, et bien d’autres, l'ADN Dauphine et la promotion 2019-2020 du Master 2013 « Droit Notarial » avaient réuni, sous la direction de Madame le Professeur Anne Karm, six éminents experts :
Line-Alexa Glotin, chargée de dossiers en DIP et d’enseignement à Paris-Dauphine, spécialement d’un cours en anglais consacré aux trusts ;
Henri P. Davinson, arrivé pour l’occasion de New York, Managing Director de la banque Bessemer trust ;
Valérie Depadt, maître de conférences HDR à l’université Sorbonne Paris Nord, auditionnée pour le projet de loi Bioéthique ;
Laurent Fichot, ancien procureur de la République à Nantes (autorité de tutelle pour les transcriptions d’état civil étrangers) et actuellement avocat général près la cour d’appel de Rennes ;
Caroline Deneuville, notaire à Paris spécialisée en DIP ;
et Richard Crône, notaire honoraire et consultant de l’étude Lacourte.
Difficultés d’application en France du trust constitué à l’étranger
Dans un premier temps, Line-Alexa Glotin et Henri P. Davinson ont rappelé :
les raisons de constituer un trust (protection d’un proche notamment vulnérable ou handicapé, préservation d’un bien de famille comme un vignoble ou une collection d’art) ;
les différents types de trusts et les missions des trustees (offshore ou onshore ; in vivo ou testamentaire, révocable ou irrévocable) et les implications juridiques et fiscales, nationales et internationales du choix opéré.
Il était intéressant de comparer le trust avec nos différents outils de gestion patrimoniale et d'anticipation successorale (professio juris, SCI et démembrement, fondations de famille et assurance-vie).
Retenons également de leurs observations que les juristes anglo-saxons font de plus en plus évoluer leurs trusts pour préparer leur réception en France, compte tenu des réactions constatées.
L’approche notariale a été par la suite évoquée par Caroline Deneuville, qui a proposé une méthode pour surmonter la difficulté d’intégration. Celle-ci repose sur la qualification : rechercher la nature juridique de l’institution étrangère, en vue d’y reconnaître un équivalent, par exemple une libéralité ou un démembrement de propriété. L’élément perturbateur demeure, cependant, le titre de propriété. Comment y remédier ? Aujourd'hui le remède est l'adaptation, en conservant toujours à l'esprit l’objectif poursuivi par le constituant.
Difficultés de la transcription en France de la GPA réalisée à l'étranger
La réception en France des GPA réalisées à l'étranger a connu des évolutions importantes depuis 1980 qui ont été retracées par Valérie Depadt. Si la dernière jurisprudence accepte la transcription, le Sénat a voté, le 7 janvier 2020, un amendement dans le cadre de l'examen de la loi Bioéthique empêchant la transcription totale. Ces questions vont donc encore mobiliser l’attention des juristes.
Représentant le Parquet, Laurent Fichot a exposé la position qui a été défendue par celui-là :
la transcription des actes d’état civil étrangers n’est pas obligatoire, mais vise seulement à faciliter les démarches administratives des intéressés ;
s'agissant des enfants issus de GPA à l'étranger, elle devait être refusée comme étant contraire à l'ordre public français.
Compte tenu de la dernière jurisprudence, le Parquet s’est désisté de tous les pourvois en cours.
Enfin, Richard Crône a pointé du doigt plusieurs inadaptations des mécanismes du DIP au moyen d’exemples, spécialement en cas de multiparentalité ou de changement de sexe.
À quelles conclusions et propositions les intervenants sont-ils parvenus ?
Concernant le trust, les intervenants ont conclu que serait souhaitable :
soit la ratification par la France de la convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance ;
soit l'élaboration d'un règlement européen, avec une écriture plus moderne.
S’agissant de la GPA, la France devra probablement faire évoluer sa législation sur l’adoption ou prévoir une procédure spéciale d’adoption intra conjugale.
Catherine Burban