Le confinement mis en place depuis le 17 mars 2020 a touché l'ensemble de la société mais n'a pas entamé l'énergie et la créativité des notaires confinés.
Alexia Arno, présidente de l’ARCO et présidente de Paris Jeunes Notaires, a eu l’idée, durant cette période inédite, de créer la chaîne YouTube « Conseil Notarial ».
Le confinement a également été l'occasion pour Louis Taudin et Jean-Baptiste Bullet de participer au concours de création de l'hymne du notariat lancé par l’ARCO.
Enfin, c'est sur un mode humoristique qu'Ambroise Véret a partagé son « Journal d'un notaire de campagne ».
Au lendemain du confinement, ils témoignent de leur expérience.
La chaîne « Conseil Notarial »
En quoi consiste la chaîne « Conseil Notarial » ?
Alexia Arno. La chaîne « Conseil Notarial » regroupe des vidéos à destination du grand public réalisées par de jeunes membres de la profession (élèves notaires, diplômés notaires et notaires) qui traitent des problématiques les plus souvent posées par nos clients. Par exemple : comment rédiger un testament ? comment calculer la plus-value ? quelles sont les différentes options de transmission du patrimoine ?
Chaque acteur de cette chaîne tente d’expliquer simplement et clairement les règles juridiques enrichies de ses conseils pratiques.
Loin d’être exhaustive, cette chaîne n’est qu’une esquisse de ce que doit être le conseil du notaire et a vocation à inciter le client à se rapprocher de son notaire pour obtenir les conseils adaptés à sa situation toute particulière.
Si nombreux sont ceux qui ont une mémoire visuelle, en atteste tout l’intérêt que nous portons aux évolutions du Legal design dans la profession, certains clients sont davantage attentifs à une explication orale. La vidéo permet d’écouter et de réécouter les conseils autant de fois que la règle ne sera pas assimilée, c’est un avantage que l’instant du rendez-vous client ne permet pas d’atteindre.
Pourquoi avoir créé cette chaîne durant le confinement ?
A. A. Dans le cadre de mes présidences, je me suis demandé comment conserver le lien avec les équipes mais aussi comment nous pourrions mettre à profit notre énergie au service de la profession et de la population.
Ce contexte inédit, où le notaire, officier public, a du mal à trouver sa place et s’interroge sur son rôle dans cette crise, nous a incités à agir vite.
Une approche positive de la jeunesse notariale m’est apparue nécessaire pour conserver le lien avec la clientèle et inciter le client à utiliser cette bulle temporelle pour réaliser, auprès de son notaire, ses projets de vie.
Donner de l’espoir, aider à se projeter dans l’avenir, tel est le rôle que les membres de la chaîne « Conseil Notarial » ont choisi de donner au notaire durant cette période de confinement.
Quel avenir pour cette chaîne ?
A. A. Difficile à dire pour l’instant.
Cela dépend de nombreux facteurs et de l’utilité de notre démarche pour la société.
Nous sommes déjà très heureux d’avoir atteint certains de nos objectifs, prendre plaisir à approfondir les thèmes que nous traitons, nous enrichir du savoir d’autres membres de la profession et partager notre expérience avec le grand public.
L'hymne du notariat
Pourquoi avoir participé à ce concours ?
Louis Taudin. La coexistence indissociable, dans la vie, de la musique et du notariat a été ma motivation.
Depuis un accident qui m’a rendu tétraplégique à l’âge de 12 ans, la musique, que je pratiquais déjà, est devenue un pilier de ma vie.
J’ai appris à l’écrire par les moyens fondamentaux, l'harmonie et le contrepoint ; mais aussi j'ai cherché à comprendre comment les grands compositeurs s’exprimaient au moyen de la musicologie.
Très immodestement, j’ai commencé à écrire et je n’ai cessé depuis.
Les études m’ont conduit au droit, au barreau, à l’enseignement et au notariat.
La rencontre de la musique avec le notariat s’est déjà produite deux fois
En 1989, rapporteur général du congrès, j’avais écrit l’indicatif de cette manifestation.
En 1992, président du congrès, j'avais également écrit une pièce pour orgue très aimablement exécutée par un confrère de l’Isère.
C’est donc naturellement que j’ai tenté d’écrire encore pour la profession qui m’a accueillie et que j’avais tenté de servir en retour par l’exercice de mon ministère, l’enseignement, l’écriture juridique et, dernièrement encore, musicale.
Franck Scuotto
Jean-Baptiste Bullet. Avant de créer mon office, qui a ouvert ses portes en octobre 2018, la créativité était mon domaine d'activité principal puisque j'en avais fait mon activité professionnelle, en qualité d'auteur-compositeur-interprète.
Même s'il est vrai que l'activité notariale comporte une dimension inventive et artistique certaine – n'est-on pas artisans de nos actes ? –, les occasions d'exprimer ma créativité en dehors de l'authenticité se sont raréfiées.
Grâce (peut-on dire ?) à cette situation épidémique, j'ai pu libérer un peu de temps pour revenir à mes amours premières. J'ai donc eu l'opportunité d’enregistrer et/ou monter quelques vidéos pour la profession, comme pour la nouvelle chaîne YouTube « Conseil Notarial » ou pour mon confrère et ami Ambroise Véret qui détient le secret pour égayer la morosité du confinement telle une éclaircie perçant les lourds et gris nuages d'une après-midi de printemps.
Mais ce qui m'a le plus enjoué, et pris de temps, reste l'écriture. Outre quelques chansons, à titre personnel, pour un potentiel deuxième album, c'est surtout l'« Hymne du notariat » que j'ai enfin pu prendre le temps de peaufiner.
Lorsque l'ARCO a lancé le concours, j'ai évidemment répondu présent à l'appel. Sur la magnifique musique composée par mon confrère Louis Taudin, ayant eu la chance et l'honneur avec ce dernier d'être lauréat du concours, il fallait que je retravaille mes paroles, retenues par le jury, pour les adapter parfaitement à l'instrumentale de Louis.
Que d'heures passées à tourner, retourner chaque mot, chaque syllabe, jouer avec les sonorités, les toniques, mettre l'accent sur tel ou tel mot pour que le verbe encense la musique, et que la musique sublime le verbe.
Je me souviens avoir passé une matinée entière sur une seule rime ! Mais je suis très content du résultat.
Quand doit être présenté cet hymne ?
L. T. La présentation de cet hymne est prévue pour la date du premier événement professionnel qui suivra le retour à une vie collective.
J.-B. B. Je ne sais comment la profession accueillera cet hymne. Si certains détracteurs n'ont pas hésité à déjà déverser leur fiel, je fais partie de ceux qui pensent que cette initiative, d'une bienveillante candeur, n'a qu'une seule ambition : rappeler à tous l'essence même de notre profession, notre rôle au sein de la société française, et ce serment que nous avons (ou allons) un jour prêté. En un mot : fédérer. N'est-on pas une – si ce n'est « la » – profession qui porte l'exemple du sens du terme « confraternité » ? Je caresse ce naïf espoir, en tout cas !
Si je devais donner un conseil à mes confrères ? Et bien, je dirais qu'il est des situations, comme ces mois de confinement, sur lesquelles nous n'avons absolument aucune emprise. Des dossiers qui resteront bloqués jusqu'à une date incertaine, et malgré tous nos efforts, nous n'y pourrons rien. So be it. Apprenons à lâcher prise. Prenons le temps d'en avoir. Retrouvons alors le plaisir de ces activités créatives que la vie d'adulte nous a fait omettre. Une dose d'exaltation saura ensoleiller les perspectives des futures semaines qui s'annoncent rudes, et ça ne peut pas faire de mal, n'est-ce pas ?...
Le journal d'un notaire en confinement
Comment avez-vous eu l’idée de ce journal ?
Ambroise Véret. Pour être parfaitement honnête, il n’y a eu aucune préméditation.
Le 17 mars au matin, en fermant la porte de l’étude pour une durée indéterminée, j’avais le cœur lourd. J’ai donc posé ma journée sur le papier, pour évacuer, en relatant les anecdotes et les émotions que j’avais vécues. Puis, j’ai partagé ce récit sur un groupe Facebook dédié au notariat.
La publication a eu tout de suite du succès, beaucoup de gens se retrouvaient dans ces quelques mots. Donc j’ai continué, le deuxième jour, puis le troisième… de plus en plus de gens réagissaient et commentaient.
Le premier week-end, nous avions du temps, comme jamais depuis des années. Nous étions chez nous, confinés, sans programme. J’avais envie d’écrire, cette boulimie de faire rire, de casser la morosité de tout ce que l’on pouvait entendre dans la presse et sur les réseaux. J’ai repris la mélodie d’une chanson, et je l’ai réécrite. L’idée a vite tourné au clip vidéo, et nous voilà partis à travers la maison à tourner des saynètes.
Et voilà comment, au 11 mai, je me retrouve à avoir écrit 56 épisodes du Journal d’un notaire en confinement et tourné 6 clips vidéo.
Comment expliquez-vous son succès ?
A. V. Vivre avec ma femme est le meilleur des sketchs !!! Plus sérieusement, si tant est que j’en sois capable, je pense que tout le monde s’est identifié dans les grandes lignes de ce journal. Les problèmes de connexion pour le télétravail, les pannes et problèmes domestiques, les expériences culinaires, les excès de gourmandise : nous avons été nombreux à vivre tout cela pendant le confinement. Alors ajoutez à cela quelques anecdotes croustillantes du quotidien (mais je ne révèle rien, vous pouvez encore aller lire l’ensemble des épisodes en ligne) et un rythme journalier qui permet à chacun de retrouver une certaine routine, et le cocktail est prêt pour devenir le compagnon du café matinal.
Quant aux clips vidéo, au fur et à mesure des semaines, nous progressions avec ma compagne dans la technique et poussions les idées un peu plus loin. Conséquence : ce qui a commencé par une chanson gentille et innocente a terminé par me voir me produire en Freddie Mercury, Maître Gims ou Alain Delon (si si, il y a un air, je vous jure !), et Madame en Dalida, pour son plus beau rôle !
Quel avenir pour ce journal ?
A. V. La page Facebook s’appelle « Journal d’un notaire de campagne ». Dès sa création, il y avait donc l’idée que cette aventure puisse dépasser le simple cadre de la crise Covid. Le journal d’un notaire en confinement a été clos par l’épilogue du 11 mai. Mais j’y ai pris goût. Il reviendra. Je réfléchis encore à la forme. Quant à la fréquence, elle ne sera pas régulière, pour ne pas devenir esclave du rythme. Une fois qu’on a vu les clips, on a du mal à le croire, mais j’ai tout de même une étude dont je dois m’occuper, et une vie de famille recomposée qui demande également du temps.
Il y aura donc une suite… que vous découvrirez sur la page Facebook !
(Propos recueillis par Liliane Ricco)
Rédaction Lextenso