PMA pour toutes : M e Pierre Dauptain, les roses et les choux

Ref : Defrénois 31 mars 2022, n° DEF206t3, p. 13

À l'occasion de la sortie de son nouvel essai Où sont passés les roses et les choux ?, qui propose le regard d'un notaire sur la PMA pour toutes, Me Pierre Dauptain, notaire à Cachan, revient pour nos lecteurs sur certaines curiosités, voire anomalies, de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique (DEF 26 août 2021, n° DEF202q2 ; DEF 14 oct. 2021, n° DEF203v7).

Vous évoquez dans votre livre le « package de la PMA pour toutes ». Qu’entendez-vous par là ?

Par cette expression, je regrette que la question de l’élargissement de l’accès à la PMA ait été traitée sans chercher à faire une distinction entre ce qu’elle impliquait pour les couples de femmes et pour les femmes seules.

Qu’un couple de femmes ait à présent accès à la PMA est objectivement cohérent. Cette mesure vient s’inscrire dans le prolongement du mariage pour tous et permet de mettre un terme à la pratique des jugements d’adoption sollicités par les couples de femmes qui avaient bénéficié d’une insémination à l’étranger.

Je suis en revanche très réservé sur le fait que la loi, qui veille, et c’est tant mieux, à venir en aide aux familles monoparentales, offre aujourd’hui les moyens à une femme de devenir mère en solo.

On nous explique que celles qui en feront le choix disposeront de moyens économiques suffisants et d’un entourage familial solide pour que l’enfant ne connaisse pas les difficultés d’une monoparentalité subie. Je ne peux dès lors m’empêcher de voir dans cette mesure, et cela me gêne, une disposition élitiste et, même dans un milieu aisé, je pense préférable pour un enfant qu’il ait deux parents.

Vous voyez aussi dans ce versant de la loi nouvelle la « négation du couple ». Pourquoi ?

En 1973, quand le professeur David a été autorisé à pratiquer des PMA avec donneur à l’hôpital, il abordait celles-ci comme des dons de couple à couple.

Sans tomber dans la nostalgie, je constate simplement qu’aujourd’hui une femme vivant en couple sans être mariée peut décider de mener une PMA seule sans avoir à solliciter l’accord de la personne avec qui elle vit – la loi créant ainsi des situations de beau-parentalité – et que, de son côté, le donneur n’a plus à demander l’autorisation de son conjoint pour pratiquer son don.

Et pourtant, comme la loi supprime l’anonymat du donneur, ce don risque d’avoir des conséquences bien plus importantes qu’avant sur sa famille.

Pouvez-vous développer en pointant le paradoxe des nouvelles inégalités que crée ce texte ?

Même si ses promoteurs s’en sont toujours défendus, cette nouvelle loi a été guidée par la recherche d’égalité. Or l’effacement de certaines inégalités a souvent pour effet d’en créer de nouvelles.

La plus flagrante est ici celle entre les couples de femmes, à qui l’on donne accès à la parentalité sans passer par l’adoption et les couples d’hommes.

On peut aussi souligner la différence de traitement entre les femmes qui veulent entamer une PMA seule, selon qu’elles sont ou non mariées. Pourquoi une femme mariée, mais vivant seule et ne parvenant pas à divorcer, est-elle écartée du dispositif, alors qu’une femme vivant en couple peut en bénéficier sans le concours de son compagnon ou de sa compagne ?

On constate également que tous les enfants nés grâce à un donneur n’auront pas, malgré la levée de l’anonymat, la possibilité d’en connaître l’identité. Les personnes nées d’un don réalisé avant l’entrée en application de la disposition ne pourront pas, bien sûr, en profiter. Mais ce sera aussi le cas de celles nées d’un don qui aura été réalisé dans un pays où la règle de l’anonymat demeure.

Par ailleurs, cette nouvelle mesure vient rappeler que les personnes adoptées, de leur côté, se trouvent toujours privées du droit d’accéder à leurs origines, alors que certaines d’entre elles expriment également le désir de pouvoir se construire en retrouvant leurs parents biologiques.

Quel est le rôle du notaire dans le cadre de cette loi nouvelle ?

Le notaire intervient à double titre.

D’une part, et c’était déjà le cas avant la loi du 2 août 2021, pour établir les actes de consentement à PMA avec donneur.

D’autre part, et c’est nouveau, pour recueillir la reconnaissance conjointe anticipée des couples de femmes et, à titre provisoire, la reconnaissance conjointe a posteriori pour celles qui, avant la loi, ont eu recours à une PMA à l’étranger.

Dans ces deux versants de son intervention, le législateur compte sur le notaire pour, dans le cadre d’un acte empreint d’une certaine solennité, faire preuve de pédagogie et expliquer à ses clients les enjeux de la démarche sous l’angle de la filiation.

Il s’agit de faire prendre conscience au père non marié de l’engagement qu’il prend de reconnaître l’enfant à naître, même s’il n’en est pas le père biologique. De même, pour les couples de femmes, d’insister sur le fait qu’il ne faudra pas faire obstacle à la présentation de l’acte de reconnaissance conjointe au moment de la naissance de l’enfant.

Le notaire a également pour rôle de souligner qu’aucune filiation ne pourra être établie entre le donneur et l’enfant né du don, en insistant bien sur le distinguo à faire entre la filiation d’intention et la réalité biologique.

Enfin, il devra, mais avec nuance comme on vient de le souligner, attirer l’attention des futurs parents sur le fait que leur enfant, devenu majeur, pourra avoir accès à l’identité du donneur ; ce qui, pour parler clair, revient à dire qu’une fois adulte, il pourra, s’il le souhaite, le retrouver. Une information qui risque d’inciter certains couples hétérosexuels ou certaines femmes seules à taire à leur enfant les conditions de sa venue au monde.

(Propos recueillis par Liliane Ricco)

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