Cyril Nourissat
professeur à l’université Jean-Moulin (Lyon 3) (EDIEC),
directeur du DU droit notarial international
Marjorie Devisme
directrice du Centre notarial de droit européen
Le 26 janvier 2023 se déroulera, à Lyon, une manifestation consacrée au dixième anniversaire de la création du Centre notarial de droit européen (ACENODE) et du DU droit notarial international. L’occasion de revenir sur le chemin parcouru mais aussi de dessiner l’avenir avec la directrice du Centre, Marjorie Devisme, et avec le directeur pédagogique du DU, le professeur Cyril Nourissat.
Pouvez-vous nous rappeler comment et pourquoi sont nés l’ACENODE et le DU ?
La création, en 2012, du Centre notarial de droit européen est le fruit d’une initiative de notaires de la région lyonnaise, soutenus par le président du CSN d’alors, tous sensibilisés aux enjeux européens et internationaux de la profession.
Le constat de départ était simple : les notaires ont besoin de connaître le droit international privé et le droit de l’Union européenne, particulièrement les règlements européens, pour traiter les situations internationales dans tous les domaines où ils interviennent.
C’est pour cette même raison qu’un an après, en partenariat avec l’université Lyon 3 et l’INFN, le DU droit notarial international a ouvert ses portes.
Répondant à la nécessité d’accompagner les notaires dans leurs dossiers internationaux et de renforcer leur compétence dans ce domaine, le Centre est devenu un lieu d’échanges, de formation et d’information pour la profession notariale en France mais aussi à l’étranger. Car nous avons pris conscience très tôt de la nécessité de nouer des liens au-delà des frontières pour assurer un traitement optimal des dossiers internationaux.
Quel bilan pouvez-vous tirer après 10 années de fonctionnement ?
Plusieurs centaines de notaires français, européens ou d’États tiers ont pu bénéficier des enseignements pratiques dispensés par l’ACENODE dans les diverses formations proposées (DU, ateliers, séminaires, webinars, JPNI…). Nous avons ainsi contribué à développer les compétences qu’impose la pratique notariale internationale.
Ce faisant, la mixité géographique systématique des publics a conduit à la création d’un vaste réseau informel de praticiens confirmés qui progressivement ont pris l’habitude de travailler ensemble, sans considération de frontières physiques ou juridiques. Cette montée en puissance (aussi bien au plan quantitatif que qualitatif) de la pratique notariale européenne et internationale est désormais réalité. Elle nous permet alors de porter un regard fin sur les enjeux auxquels les notaires sont aujourd’hui confrontés. Si certains réflexes sont désormais acquis (la recherche systématique des éléments d’extranéité dans un dossier, par exemple), la marge de progression demeure bien réelle.
Deux illustrations peuvent en être données. D’une part, la difficulté récurrente de s’extraire de réflexes par trop particularistes qui sont autant de freins puissants à une efficacité internationale des solutions conçues et des actes dressés par les notaires. En ce sens, la légalisation, l’apostille, la certification ou la transcription, voire l’exequatur des actes, restent terra incognita pour beaucoup, quand ils ne sont pas prétexte à dresser des barrières que, souvent, rien ne justifie !
D’autre part, l’apparition, en quelques années, d’exigences supérieures partagées de manière universelle (ou presque) telles que la LCB-FT ou le retour du contrôle par les États des investissements étrangers, en lien avec les domaines les plus traditionnels de la pratique notariale internationale (comme la transmission du patrimoine familial), oblige à l’acquisition de nouveaux champs de compétence.
Dans les deux cas, c’est bien la crédibilité du modèle du notariat latin (et son incarnation dans le service de l’authenticité) en Europe et dans le reste du monde qui est en jeu.
Quels sont les projets que vous entendez mener à l’avenir ?
À l’instar de l’Union européenne, l’avenir est marqué par la volonté de tout à la fois approfondir et élargir. Mais aussi et surtout partager. Sans dévoiler ce qui sera annoncé à Lyon, quelques illustrations peuvent être données.
Au titre de l’approfondissement, nous ouvrons – avec l’INFN – en mars 2023 un nouveau DU spécialisé, à la demande de la chambre interdépartementale du Nord-Pas-de-Calais, dans la pratique notariale avec les pays du Benelux.
Concernant l’élargissement, il s’agit de traduire le lien indéfectible entre l’Europe et l’international (la vocation universelle des instruments européens mais aussi l’effet modèle jouant) et ainsi de développer l’offre de services.
Enfin, partager signifie, entre autres initiatives, mettre à disposition de la profession, de ses instances à quelque niveau qu’elles se situent, un vivier de notaires « Dipistes » bien formés, appelés, par exemple, à participer aux groupes d’experts dans les enceintes européennes et internationales.
(Propos recueillis par Liliane Ricco)