Arthur Laforge
Me Sophie Sabot-Barcet, première présidente du Conseil supérieur du notariat (CSN), élue le 25 octobre 2022, revient pour nos lecteurs sur le début de son mandat et l’actualité de la profession et nous dévoile les orientations du CSN pour les mois à venir.
Vous êtes présidente du CSN depuis un peu moins d’un an. Quel premier bilan tirez-vous ?
Ces derniers mois ont été portés par une actualité professionnelle nourrie de réformes. À commencer par le déploiement dans des textes de suivi et d’application de la réforme de la discipline, dans un cadre fixé par la loi de décembre 2021. Depuis le 1er juillet 2022, ce déploiement est également dans le quotidien des conseils régionaux des notaires et dans le nouveau cadre des 10 inter-régions définies par les textes. Il s’est poursuivi au début de l’été avec l’installation de la Cour nationale de discipline dans les murs du CSN le 23 juin.
Parallèlement, depuis l’installation en juillet 2022 du collège de déontologie du notariat avec comme membres extérieurs à la profession Christian Vigouroux et Yves Charpenel, les travaux de refonte de notre code et de nos règles de déontologie se finalisent. Nous espérons qu’elles seront définitivement stabilisées au cours des prochaines semaines. Cela ne tient plus à nous.
Le CSN a de plus acquis de nouvelles compétences dans le suivi de la carrière des notaires, ce qui porte à 120 le nombre de ses compétences d’origine législative ou réglementaire !
C’est aussi la mise en œuvre d’une réforme importante pour notre avenir puisqu’en septembre prochain, l’Institut national des formations notariales (INFN) et les établissements publics d’enseignement supérieur accueilleront les étudiants au nouveau diplôme d’études supérieures du notariat, le DESN, qui sera la principale voie d’accès pour rejoindre nos rangs.
Cette modernisation qui, tout en respectant notre marque de fabrique et en soulignant l’exigence académique qui s’attache au diplôme universitaire, est conforme aux meilleurs standards d’enseignement, ce qui était essentiel pour maintenir l’attractivité de notre profession.
Vous êtes la première femme présidente du CSN. Avez-vous un style propre ?
Chaque président, et maintenant chaque présidente, avance avec sa personnalité, en s’inscrivant dans le legs de ses prédécesseurs. Avec la loi Croissance puis la crise Covid, nous avons été assez accaparés par des problématiques internes. Il était temps de rouvrir le CSN, de revitaliser notre présence hors les murs.
J’ai donc souhaité, avec l’ensemble de mon bureau, placer ce mandat dans une dynamique de rencontres et d’initiatives. Être constamment à l’écoute de nos confrères, nourrir le dialogue pour mieux proposer et décider. Ces temps d’échanges furent intenses par leur nombre et leur intérêt.
Ce fut particulièrement le cas lors du tour de France des assemblées de compagnie du mois de mai que nous avons réalisé avec les membres du bureau et les délégués de notre assemblée générale.
À chaque fois, j’y ai retrouvé l’esprit de professionnalisme, d’engagement et de solidarité du notariat qui nous caractérise.
L’actualité est fortement marquée par la question du logement, justement le thème du 119e congrès des notaires de France. Une observation ?
Le sujet immobilier est d’actualité. Nous le constatons avec plus ou moins de force dans toutes nos études. Après avoir connu des sommets, le marché immobilier a désormais changé d’ère avec une baisse rapide du volume des transactions qui devrait repasser sous la barre du million en septembre, mais également en valeur.
Me Yves Delecraz et l’équipe du congrès ont eu la sagesse de ne pas se laisser hypnotiser par l’immobilier, mais d’aborder frontalement la thématique du logement, beaucoup plus délicate, au carrefour des politiques publiques, des comportements privés, des attentes exprimées ou latentes des Français.
Ils font le constat d’une crise multiforme, ancienne en réalité, dont les dernières tendances ne sont qu’un révélateur, à l’image au fond de beaucoup des défis auxquels notre société est confrontée. Ils ont débuté leur réflexion depuis plus de deux ans maintenant, avec l’ambition de proposer des solutions pratiques et durables pour améliorer la production de logements mais aussi l’accès au logement et sa transmission. Car si l’aspect économique est un sujet important, il ne doit pas occulter les défis sociétaux, environnementaux et culturels, auxquels la société doit répondre dès aujourd’hui et où le logement tient une place centrale.
Quelles seront vos orientations pour les prochains mois ?
Nos entreprises sont impactées par les évolutions du marché de l’immobilier qui représente en moyenne 57 % des produits des notaires, et cette proportion monte à plus de 60 % pour les offices créés depuis 2017. Le rôle de nos instances territoriales, proches du terrain, sera d’accompagner les offices en difficulté, de les aider à prendre des décisions qui peuvent être parfois difficiles.
Mais lorsque je regarde le succès de la démarche d’accompagnement sur-mesure, dans la mise en œuvre de la stratégie de développement des offices, lancée par le CSN a il y a trois ans avec l’appui de la Banque des Territoires et de l’Association notariale de conseil, j’y vois une preuve supplémentaire des qualités d’anticipation et d’adaptation de notre profession.
Je resterai ainsi mobilisée avec mon Bureau sur les deux grands axes de mon programme : le renouvellement en profondeur de l’entreprise notariale et l’office public responsable et incarné dans la société d’aujourd’hui.
En outre, l’expérience des dernières années nous invite à aménager certaines règles de fonctionnement de nos instances, et à actualiser la stratégie numérique de la profession.
Enfin, bien sûr, je serai très attentive au déploiement sur tous les sites INFN de la réforme du contenu de la formation initiale, qui doit commencer à s’appliquer dès la rentrée 2024.
(Propos recueillis par Liliane Ricco)